Les
générations se suivent et ne se ressemblent pas
Lucides mais idéalistes, en quête de
liberté mais aussi de réassurance, solidaires mais sélectifs, plus à l’aise
dans l’échange virtuel que dans le contact direct… La génération Z, ces natifs
des années 1990, offre un portrait fait d’aspirations contradictoires et de
valeurs paradoxales. Complexité avec laquelle les managers devront composer. A
commencer par leur goût marqué du collectif, loin de l’hyperindividualisme de
leurs aînés, mais aussi leur grande créativité, leur implication et surtout,
leur intégrité.
Celle
d’individus gouvernés par l’affect, dans l’entreprise comme ailleurs.
Intransigeants dans leurs attentes et fidèles pour peu qu’on leur en donne les
raisons, ces nouveaux acteurs représentent certes un défi, leur profil
apparaissant incompatible avec les logiques verticales traditionnelles et les
cadres imposés – mais surtout une opportunité à saisir.
Des mois,
des années même que l’on nous parle de la génération Y, que des manuels de RH
et des coachs en management décryptent leur mode de fonctionnement, leurs
valeurs, leurs attentes. Au point qu’aujourd’hui, cette population de salariés
n’a plus de secret pour les entreprises. Tant mieux ; car cette expertise
managériale, bien que fraîchement acquise, sera bientôt caduque. Motif : à
cette catégorie socio-culturelle est en passe d’en succéder une autre.
Plus jeune,
cela va sans dire, puisqu’il s’agit des natifs des années 1991-1999, et
surtout, plus complexe. Non pas tant dans ses signes distinctifs qui, que l’on
se rassure, se résument pour la plupart à des versions accentuées de ceux que
l’on percevait déjà chez la Y – quête de sens, goût de l’autonomie, rejet de
l’autorité verticale… -, mais surtout parce que, dans cette version rajeunie,
ces spécificités se trouvent assorties d’aspirations contradictoires avec
lesquelles il faudra prochainement composer. Car si la génération Z – puisque
c’est d’elle qu’il s’agit – reste pour l’heure plus présente sur les bancs de
la fac voire du lycée que dans les open spaces des entreprises, il n’en sera
pas toujours ainsi.
Autant donc
se familiariser avec ces profils et leurs particularités pour éviter un nouveau
choc culturel à tous ceux qui, en qualité de N+1, de DRH ou de dirigeant d’entreprise,
auront bientôt à les attirer, à les fidéliser et à les motiver. En un mot, à
les manager. Portrait-robot de ces nouveaux venus qui, dans la tête de nombreux
marketeurs et sociologues du travail, font déjà passer les représentants de la
génération Y pour des anciens combattants.
Lucides,
idéalistes et matures
Premiers éléments d’identification – hormis les dates de naissance figurant sur le CV – les grands classiques de la génération Y, donc : dépendance aux réseaux sociaux et totale maîtrise des nouvelles technologies, tendance marquée au questionnement permanent, rejet des formes classiques d’autorité et de leurs différentes expressions managériales, etc. Connus et directement hérités de leurs prédécesseurs. Moins attendus, en revanche, sont les associations des contraires qui dominent dans ces nouveaux profils de salariés. A commencer par cette double tendance à la lucidité et à l’idéalisme. Une association inhabituelle et pourtant frappante chez ces futurs actifs qui découle d’une conscience aigüe du monde qui les entoure. Conscience qui, selon Laurent Bibart, professeur de management à l’Essec, s’affirme jusque dans l’appellation qu’on leur a assignée et qui, selon lui, conditionne d’entrée ces futurs actifs sur leurs supposées perspectives.
Premiers éléments d’identification – hormis les dates de naissance figurant sur le CV – les grands classiques de la génération Y, donc : dépendance aux réseaux sociaux et totale maîtrise des nouvelles technologies, tendance marquée au questionnement permanent, rejet des formes classiques d’autorité et de leurs différentes expressions managériales, etc. Connus et directement hérités de leurs prédécesseurs. Moins attendus, en revanche, sont les associations des contraires qui dominent dans ces nouveaux profils de salariés. A commencer par cette double tendance à la lucidité et à l’idéalisme. Une association inhabituelle et pourtant frappante chez ces futurs actifs qui découle d’une conscience aigüe du monde qui les entoure. Conscience qui, selon Laurent Bibart, professeur de management à l’Essec, s’affirme jusque dans l’appellation qu’on leur a assignée et qui, selon lui, conditionne d’entrée ces futurs actifs sur leurs supposées perspectives.
“Ce concept
de “génération Z” est une qualification infernale qui semble signifier qu’on
leur arrête le monde ; que la société n’a plus rien à offrir : plus de travail,
plus d’ascenseur social, plus de retraites… Ce qui place ces jeunes dans un
état de questionnement sans fin”, résume-t-il. D’autant que, plus encore que
leurs aînés, les 13-21 ans sont les représentants d’une génération surinformée.
Hyper-sensibilisée, de par Internet et le poids déterminant des réseaux sociaux
dans son quotidien, au monde qui l’entoure et à ses réalités, aussi bien
économiques que géopoliques, sociétales ou environnementales. Une spécificité
qui, selon Christophe Bouruet, directeur clientèle de BVA Opinion et
responsable des études auprès des salariés, place ces jeunes très loin devant
ceux des générations précédentes en termes de maturité.
“Ils sont
extrêmement informés, conscients des réalités de l’entreprise et du monde du
travail tout autant que des risques encourus par la planète. Si bien qu’ils
sont à la fois beaucoup plus lucides et beaucoup plus matures que ceux des
générations précédentes.” Présidente de l’Obsoco (Observatoire de société et de
consommation), Nathalie Damery confirme. “Cette grande connaissance des
réalités qui les entourent n’est pas forcément très structurée idéologiquement
– la majorité des gens de cette génération étant, comme les Y avant eux, peu
politisés – mais elle est portée par une forte conscience de l’autre et par le
fait qu’ils estiment avoir une responsabilité individuelle dans le monde en marche.”
Pollution,
chômage, exclusion, crise de la dette et dérèglement climatique, rien ne leur
échappe et, surtout, tout les concerne. Car, autre spécificité marquante de
cette génération montante, ses représentants ne sont pas dans la réflexion
passive. Encore moins dans la contemplation. La conscience qu’ils ont du monde
et de l’époque dans lesquels ils vivent, de leurs défis et de leurs enjeux, les
poussent vers une forme d’idéalisme, certes – “nous voulons faire mieux, plus,
différemment que nos prédécesseurs…” –, mais celui-ci s’accompagne, atout de
poids, d’un goût marqué pour l’action. Une association qui fait de cette
génération Z de véritables acteurs du monde en marche et, pour l’entreprise qui
saura en tirer profit, des contributeurs à haut niveau d’employabilité.
Engagés mais
autonomes
“Ils sont très concernés par leur époque, le monde dans lequel ils vivent, son avenir, les menaces qui pèsent sur lui – de Fukushima à la montée de l’islamisme – et sur ce plan ils ne se voient pas en observateurs mais se placent dans l’action, résume Nathalie Damery. Ils veulent avant tout être utiles.” Ce qui se traduit en premier lieu par un goût marqué du collectif.
“Ils sont très concernés par leur époque, le monde dans lequel ils vivent, son avenir, les menaces qui pèsent sur lui – de Fukushima à la montée de l’islamisme – et sur ce plan ils ne se voient pas en observateurs mais se placent dans l’action, résume Nathalie Damery. Ils veulent avant tout être utiles.” Ce qui se traduit en premier lieu par un goût marqué du collectif.
Finies,
donc, les tendances à l’hyperindividualisme et les comportements mercenaires
qui, dans les organisations, en étaient les premières manifestations. Avec les
Z, l’heure est certes à la liberté, mais aussi – et c’est un autre paradoxe de
cette génération – au lien. A l’engagement. Et, pourquoi pas, au temps long.
Une bonne surprise pour les entreprises qui s’étaient habituées aux ambitions
individuelles priorisées sur l’intérêt général et aux expériences
professionnelles envisagées comme autant de lignes supplémentaires sur le CV.
Christophe Bouruet est formel : cette époque est révolue.
“On n’est
plus du tout dans les logiques ultra-individualistes des générations
précédentes et notamment de la Y, au contraire : toutes les enquêtes sur les
15-25 ans montrent un goût réel et bien plus marqué que chez les générations
précédentes pour le travail et l’entreprise mais aussi pour les relations avec
les collègues”, explique-t-il avant de rappeler qu’aujourd’hui, on a très jeune
– beaucoup plus jeune qu’avant – le goût de l’engagement. “Encore une fois,
toutes les études sur les jeunes actifs en témoignent : les représentants de la
génération Z ont le sens et le goût du collectif, dans l’entreprise comme dans
toutes les sphères de la société”, poursuit Christophe Bouruet avant de
souligner que ce goût des autres se manifeste aussi bien par de l’engagement
associatif que par une quête de liens corporate. “Ce qui peut représenter un
atout précieux pour les entreprises en favorisant non seulement les fidélités à
long terme mais aussi la cohésion intergénérationnelle.”
Inutile,
toutefois, d’espérer tirer parti de ces différents points forts au moyen des
anciens ressorts managériaux et donc d’espérer valoriser leur potentiel en
soumettant ces nouvelles recrues aux mêmes schémas hiérarchiques, obligations
de reporting et procédures formatées que leurs prédécesseurs. Ce serait peine
perdue. Laurent Brouat en sait quelque chose, lui qui, en enseignant les RH et
réseaux sociaux à Reims Management School, côtoie ces jeunes au quotidien et
constate chaque jour leur rejet des cadres classiques.
“Ils ont du
mal à s’épanouir dans un cadre figé et imposé, explique-t-il. C’est flagrant en
classe où ils ne s’impliquent vraiment dans le déroulé du cours qu’une fois
qu’ils en sont devenus co-acteurs et y prennent part activement. Alors
seulement on les sent motivés, désireux d’apprendre et de participer et on
parvient à d’excellents résultats car ils ont une réserve de créativité
considérable et beaucoup d’enthousiasme.” Des atouts de taille pour tout
dirigeant d’entreprise mais dont, encore une fois, on ne tirera profit qu’à
certaines conditions. La première consistant, on l’aura compris, à respecter
cette notion d’autonomie qui, de précieuse chez la génération Y, est en passe
de devenir non négociable avec la Z.
Un aspect
clé de ce nouveau profil de salariés que Nathalie Damery voit se refléter dans
le choix de certaines icônes. A commencer par celle du fondateur de
PriceMinister, Pierre Kosciusko-Morizet, qui, pour cette nouvelle génération,
incarne la figure entrepreneuriale par excellence. Motif : il ne se contente
pas d’avoir réussi, il a su conserver cette simplicité, synonyme de liberté et
de recul “face au système” que la nouvelle génération valorise plus que tout.
“Il a créé sa start-up sur une belle idée, a formidablement réussi, est resté
sympa et accessible malgré son succès et aujourd’hui parle de tout arrêter pour
se mettre à la musique, résume Nathalie Damery. C’est cela, pour eux, l’emblème
d’exemplarité.” Une figure libre, indiscutablement, mais pas pour autant
dépourvue de repères.
La fin du
moule corporate
Car, autre paradoxe de la génération Z, si on y est avide de liberté individuelle, on l’est également de réassurance. Deux aspirations a priori antinomiques que les managers de demain devront pourtant apprendre à réconcilier s’ils veulent tirer parti, une fois de plus, de ce nouveau réservoir de talent et de créativité bientôt disponible sur le marché. Pour Benjamin Chaminade, consultant RH et spécialiste de la question, le diagnostic est sans appel : “C’est la fin des moules corporate.” Ces nouveaux acteurs ne se pliant pas facilement aux schémas de subordination et aux manifestations d’autorité verticale, ils chercheront à les remplacer par “une relation personnelle et non hiérarchique” et à faire de leur poste non pas un cadre organisationnel rigide et clairement délimité mais “une playlist dans laquelle piocher les meilleurs morceaux”.
Car, autre paradoxe de la génération Z, si on y est avide de liberté individuelle, on l’est également de réassurance. Deux aspirations a priori antinomiques que les managers de demain devront pourtant apprendre à réconcilier s’ils veulent tirer parti, une fois de plus, de ce nouveau réservoir de talent et de créativité bientôt disponible sur le marché. Pour Benjamin Chaminade, consultant RH et spécialiste de la question, le diagnostic est sans appel : “C’est la fin des moules corporate.” Ces nouveaux acteurs ne se pliant pas facilement aux schémas de subordination et aux manifestations d’autorité verticale, ils chercheront à les remplacer par “une relation personnelle et non hiérarchique” et à faire de leur poste non pas un cadre organisationnel rigide et clairement délimité mais “une playlist dans laquelle piocher les meilleurs morceaux”.
Un côté “à
la carte” que la sociologue de l’Ehess et directrice de recherche au CNRS,
Monique Dagnaud*, explique d’abord par l’héritage Internet encore plus
omniprésent chez les Z que chez les Y. “Non seulement la culture d’Internet
repose sur une logique égalitaire et très horizontale, mais les jeunes sont
également profondément imprégnés des logiques héritées de Facebook et des
réseaux sociaux en général où tout se discute et se négocie, explique-t-elle.
Si bien que, pour eux, l’ordre imposé de façon verticale est généralement mal
reçu, de même que la plupart auront du mal à accepter un cadre professionnel
très codifié.”
Un écueil
potentiel pour tout futur employeur contrebalancé selon elle par le fait que
beaucoup n’en demeurent pas moins “à la recherche du progrès, du partage de
connaissance, et donc ouverts à une forme de transmission”. Laquelle, Laurent
Brouat insiste, ne fonctionnera que si le management s’adapte à certaines de
leurs règles du jeu. “La transmission et l’apprentissage fonctionnent très bien
dès lors qu’on leur donne les clés du camion tout en leur garantissant une
forme de conduite accompagnée, résume-t-il ; car s’ils sont beaucoup dans
l’action et veulent être co-acteurs du projet – quel qu’il soit – pour s’y
impliquer, ils sont également marqués par une grande timidité, une retenue face
au contact direct qui les poussent à rechercher une protection.” Que ce soit
celle d’un écran d’ordinateur, d’un N+1, ou, en dépit de leur goût
incompressible pour la liberté, d’un cadre.
Un paradoxe
dont Laurent Brouat a récemment pris toute la mesure à l’occasion d’une
campagne menée par LinkHuman, le cabinet de conseil en stratégie de recrutement
innovant dont il est le directeur associé, et qui, il y a peu, proposait des
places de stages par le biais d’une vidéo diffusée sur YouTube. Le message
diffusé était simple : l’entreprise demandait aux candidats de lui adresser non
pas un CV mais une vidéo librement réalisée – sans aucune contrainte de fond et
de forme – sur l’e-reputation, de la mettre en ligne et de la faire “buzzer”
sur les réseaux sociaux.
Le résultat
de la campagne est éloquent : alors que le film du recrutement a été visionné
1 400 fois sur YouTube, LinkHuman n’en a reçu que deux en réponse à son appel
aux candidatures et, contrairement à ses instructions en ligne, quantité de CV
en format PDF. Pour Laurent Brouat, l’épisode résume à lui seul un des nombreux
paradoxes d’une génération hyperconnectée et émancipée des règles mais aussi,
par bien des aspects, prudente voire timorée dès lors qu’il s’agit de sortir
totalement des cadres et de s’exposer au contact direct. Qui, en clair, “rejette
les structures mais en ont encore besoin”, résume-t-il. Une contradiction qui
se manifeste également dans une approche à la fois passionnée et sélective de
la solidarité, cette expérience du collectif que les 15-20 ans revendiquent
sans limites derrière l’anonymat protecteur d’un écran mais qui tend à
s’émousser dès lors qu’elle sort du virtuel pour s’exprimer en mode direct.
Solidaires
mais sélectifs
Pour Laurent Bibard, de l’Essec, l’effet de contraste est, une fois de plus, saisissant. “D’un côté ces jeunes sont beaucoup dans la solidarité et la compassion sincères et spontanées avec l’autre qui leur est étranger et avec qui ils ne sont pas en contact direct – conformément à la dimension idéaliste très marquée de leur profil –, de l’autre ils ne semblent en paix qu’avec ceux qui, dans la proximité du monde réel, leur ressemblent fondamentalement.” Motif de cette empathie à deux vitesses : le contact direct est perçu comme trop risqué et vécu comme une source potentielle de confrontation. Surtout lorsque celui-ci leur impose de côtoyer de près une différence marquée.
Pour Laurent Bibard, de l’Essec, l’effet de contraste est, une fois de plus, saisissant. “D’un côté ces jeunes sont beaucoup dans la solidarité et la compassion sincères et spontanées avec l’autre qui leur est étranger et avec qui ils ne sont pas en contact direct – conformément à la dimension idéaliste très marquée de leur profil –, de l’autre ils ne semblent en paix qu’avec ceux qui, dans la proximité du monde réel, leur ressemblent fondamentalement.” Motif de cette empathie à deux vitesses : le contact direct est perçu comme trop risqué et vécu comme une source potentielle de confrontation. Surtout lorsque celui-ci leur impose de côtoyer de près une différence marquée.
Une
réticence face à l’altérité que Laurent Bibard explique, une fois encore, par
un persistant besoin de réassurance. “Le fait qu’ils pratiquent une forme de
sociabilité via les réseaux sociaux qui leur permettent d’être avec les autres,
et même de se soucier vraiment des autres, ne signifie pas pour autant qu’ils
comprennent l’altérité ; et encore moins cette nécessité essentielle en
entreprise comme en toute collectivité d’accepter que l’on puisse être en
désaccord avec l’autre sans pour autant entrer en conflit avec
lui,décrypte-t-il. Or aujourd’hui, il est frappant de constater que, chez les
jeunes, le désaccord signifie de plus en plus la rupture, ce qui est très
problématique car en entreprise comme ailleurs, c’est de l’acceptation d’une
altérité que provient l’enrichissement.”
Preuve que
beaucoup y voient d’abord une menace, surtout lorsque celle-ci ne concerne pas
leur réseau Facebook mais leur environnement immédiat : le fait, révélé par le
journal Le Monde il y a quelques jours, que Marine Le Pen arrive en tête des
intentions de vote auprès des 18-25 ans… Un revers peu reluisant de l’idéalisme
qui les caractérise et qui, une fois transposé en milieu professionnel,
pourrait se traduire par des difficultés à communiquer, à échanger et à
s’enrichir du point de vue et des idées d’autres profils et savoirs que les
siens. Autrement dit, par des réflexes claniques en totale contradiction avec
les préceptes pourtant chers aux entreprises de la cross-fertilization.
Pour
Nathalie Damery, le risque est réel. “Il est clair que les Z travaillent plus
facilement en réseau qu’en physique, confirme-t-elle. Ils sont habitués au
contact déshumanisé et celui-là leur est extrêmement facile et naturel, alors
qu’ils n’ont pas du tout la même facilité à communiquer en direct.” Rassurant…
Et révélateur de personnalités qui, à en croire Benjamin Chaminade, qui le
premier eut recours au label de “génération Y” pour désigner les 20-35 ans, se
caractérise avant tout par une propension jusqu’alors inégalée à l’affectif.
Particularité qui aurait même valu aux membres de la génération Z l’appellation
de “émos” pour émotifs. C’est dire.
Le poids de
l’affect
Déjà perceptible chez leurs aînés, ce poids de l’affect s’est affirmé au cours des dernières années au point de devenir un trait distinctif essentiel des 15-20 ans. Une véritable marque de fabrique avec laquelle, une fois encore, les managers n’auront d’autre choix que de composer. Car même si, dans bien des cas, cette tendance à l’hypersensibilité rendra les nouveaux venus difficiles à manœuvrer – notamment parce que toute remarque ou demande de remise en question sera potentiellement perçue comme une attaque personnelle -, elle pourra s’avérer un levier de management efficace pour peu que l’entreprise sache l’actionner.
Déjà perceptible chez leurs aînés, ce poids de l’affect s’est affirmé au cours des dernières années au point de devenir un trait distinctif essentiel des 15-20 ans. Une véritable marque de fabrique avec laquelle, une fois encore, les managers n’auront d’autre choix que de composer. Car même si, dans bien des cas, cette tendance à l’hypersensibilité rendra les nouveaux venus difficiles à manœuvrer – notamment parce que toute remarque ou demande de remise en question sera potentiellement perçue comme une attaque personnelle -, elle pourra s’avérer un levier de management efficace pour peu que l’entreprise sache l’actionner.
Nathalie
Damery confirme : tous les ingrédients d’une relation créatrice de valeur sont
là. A commencer par l’envie d’une implication dans le temps et l’enthousiasme,
comme en témoigne la dernière étude de l’Observatoire du Travail – publiée en
février dernier et signée BPI, BVA et L’Express – qui révèle ainsi que, parmi
les 15-24 ans déjà actifs, 84 % sont satisfaits au travail contre 78 % pour les
autres catégories et 82 % se disent motivés contre 77 % pour le reste des
salariés.
“Lorsque
l’on interroge les ados aujourd’hui, on s’aperçoit que ce sont des idéalistes
qui veulent de l’engagement longue durée, résume-t-elle. Ce ne sont plus les
zappeurs et les mercenaires qu’on a pu décrire : dans la famille, le couple, et
aussi l’entreprise si celle-ci joue le jeu et ne les déçoit pas, ils veulent de
la fidélité, du long terme.” Reste à cerner leur vision de l’entreprise ; et
une fois encore, celle-ci se définit en fonction de ce critère désormais
décisif de choix : l’affect. Raison pour laquelle, indique Nathalie Damery,
“l’entreprise, pour eux, c’est la start-up : l’aventure avec les copains”, et
la section qui rencontre le plus fort succès à HEC, celle consacrée à la
création d’entreprise. “Sur ce plan ils sont dans une sorte de mélange des
genres qui montre le poids de l’affect dans leurs orientations, résume-t-elle.
Dans tous les domaines de la vie ils sont dans le contrat affectif et cela se
prolonge dans l’entreprise.”
Une forme de
confusion des sentiments qui, pour cette génération nourrie aux réseaux sociaux
et, comme le remarque Monique Dagnaud, au “culte de l’horizontalité”, était
selon elle inévitable. “Pour eux les notions d’égalité et de partage consentis
dans les rapports – que ceux-ci soient de consommation, privés ou
professionnels – est une réalité acquise.” Un point de départ une fois encore
non négociable qui pourrait contraindre l’entreprise à certaines adaptations de
style.
La relation
de confiance
A commencer par cet impératif consistant à faire de la relation de confiance une base du contrat entreprise-salarié. Pour Benjamin Chaminade, plus qu’un compromis, il s’agit d’une condition sine qua non. Ces nouveaux collaborateurs étant “plus informés, moins crédules, moins naïfs”, ils requièrent “plus d’authenticité dans les modes managériaux”. Plus question donc d’habillage cosmétique à coups de fausses valeurs corporate ou de promesses non tenues. Nathalie Damery est formelle : avec les Y, cela posait déjà problème. Avec les Z, cela devient une véritable clause suspensive.
A commencer par cet impératif consistant à faire de la relation de confiance une base du contrat entreprise-salarié. Pour Benjamin Chaminade, plus qu’un compromis, il s’agit d’une condition sine qua non. Ces nouveaux collaborateurs étant “plus informés, moins crédules, moins naïfs”, ils requièrent “plus d’authenticité dans les modes managériaux”. Plus question donc d’habillage cosmétique à coups de fausses valeurs corporate ou de promesses non tenues. Nathalie Damery est formelle : avec les Y, cela posait déjà problème. Avec les Z, cela devient une véritable clause suspensive.
“Sur le plan
de la confiance réciproque ils ont une forme réelle d’intransigeance :
l’entreprise ne doit pas les décevoir”, assène-t-elle avant de remarquer que
cette attitude pressentie dans le monde professionnel est une transposition
directe de celle qui les caractérise déjà dans le monde de la consommation.
“Tant qu’une marque demeure conforme à leurs attentes, ils n’ont aucune raison
d’en changer. Mais si elle s’avère déceptive pour une raison ou une autre, ni
le poids de la marque ni son story-telling ne les retiendront : ils changeront
tout de suite.”
Et il y a
tout à parier qu’il en sera ainsi avec un employeur, estime Christophe Bouruet
qui juge le scénario en parfaite conformité avec le profil des acteurs. “Encore
une fois on est dans une génération très entière, où l’affect occupe une place
déterminante, rappelle-t-il. Le goût d’apprendre est très fort, accompagné d’un
réel enthousiasme, mais qui dit enthousiasme dit risque accru d’être déçu ; et
en cas de déception, ces nouveaux salariés n’étant pas dans le compromis, ils
n’hésiteront pas à passer à autre chose.”
Qu’on ne se
méprenne pas sur les raisons profondes de cette intransigeance. Pour Nathalie
Damery, il ne s’agit pas d’immaturité et encore moins de caprice. Simplement
d’une certaine forme d’intégrité ; “Les Y était beaucoup dans le “oui, mais…” :
ils donnaient mais avec une attente claire en retour. Les Z sont moins dans
cette logique de négociation mais ils sont toujours dans un rapport de
donnant-donnant. Dans une notion de réciprocité basée sur une logique forte de
confiance. Si bien qu’il ne faut surtout pas les trahir sur les engagements
pris.” Que ce soit du domaine factuel – prime, CDI, augmentation…- ou RSE –
valeurs non conformes aux pratiques de l’entreprise, discours de façade, etc.
“Sinon, c’est un motif de rupture”, confirme-t-elle.
On l’aura
compris, les Z incarnent une autre forme de sociabilité et un réservoir de
créativité et de talent qui, d’ici quelques années, devrait s’avérer
déterminant pour les entreprises. A condition, cela va sans dire, que celles-ci
sachent composer avec leurs attentes et leurs valeurs. Comme elles ont appris à
le faire avec celles de leurs prédécesseurs, ce qui devrait leur faciliter
sensiblement la tâche. Et puis, le jeu en vaut la chandelle, estime Laurent
Bibard qui rappelle ce qu’il estime être la première vertu de cette génération
montante : “Leur incapacité à tolérer l’idée d’une vie absurde.”
Si bien que
leur exigence de sens et d’éthique, d’authenticité et d’épanouissement en
s’appliquant aussi bien à la sphère privée que professionnelle contraint les
entreprises à une remise en question. “On ne peut plus les manipuler
facilement. Ils sont dans une forte exigence de sens, d’authenticité et
d’éthique. Et le fait qu’ils soient dans un questionnement permanent les place
en position de challenger l’entreprise, ses modes de fonctionnement et ses
règles, ce qui peut être un atout à terme pour elle. Ils ont le potentiel
d’assainir les organisations et leurs logiques figées.” Un vecteur de remise en
question de l’intérieur qui peut bousculer les codes et apporter un changement
salutaire. Cela mérite bien quelques ajustements formels.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire