Le projet pour la croissance, l'activité et l'égalité
des chances économiques, porté par le ministre de l'Economie Emmanuel Macron, a
été adopté définitivement au Parlement le 10 juillet 2015.
Le projet de loi pour la croissance et
l'activité a été adopté le 10 juillet par le Parlement, achevant un parcours
long et mouvementé. Ce qu'il faut retenir.
Le chemin a semblé interminable. Après des
mois de discussion, le projet de loi Macron a été adopté par l'Assemblée en
lecture définitive le 10 juillet, au lendemain d'un ultime recours du
gouvernement à l'article 49.3 de la Constitution, et en l'absence d'une motion
de censure. Le texte devra encore passer l'épreuve du Conseil constitutionnel,
que le groupe Les Républicains doit saisir aujourd'hui. Voici, dans les grandes
lignes, les mesures concernant les employeurs et les salariés.
1. Prud'hommes
Un barème obligatoire d'indemnités est établi pour les licenciements
sans cause réelle et sérieuse. (A noter: plusieurs syndicats de salariés,
d'avocats et de la magistrature ont annoncé qu'ils tenteront de faire invalider par cette voie le barème
plafonnant les dommages et intérêts pour licenciement.)
Une formation initiale commune aux conseillers employeurs et salariés est mise en place. Les
sanctions disciplinaires qui peuvent leur être appliquées sont revues.
La procédure aux prud'hommes est réorganisée, avec la possibilité, si toutes les
parties sont d'accord, ou si la nature de l'affaire le justifie, de passer
directement de la phase de conciliation (devant le bureau de conciliation et
d'orientation) à la formation de départage. Et avec l'instauration d'une procédure accélérée lorsque le litige porte sur un
licenciement ou une demande de résiliation judiciaire. Il s'agit, lorsqu'il y a échec de la conciliation et que les deux parties
sont d'accord pour le faire, de pouvoir passer devant un bureau de jugement en
formation restreinte, comprenant seulement un conseiller salarié et un
conseiller employeur (contre deux et deux, dans une formation classique). Cette
formation restreinte statue alors dans un délai de trois mois. S'il estime que
le dossier ne relève pas de sa formation, ou en cas de partage entre les deux
juges, l'affaire est envoyée en départage.
Le défenseur syndical, qui assiste ou représente le salarié ou l'employeur
devant les prud'hommes, ainsi qu'en appel, obtient un vrai statut, avec des autorisations d'absence pour l'exercice de
ses fonctions et pour des périodes de formation.
2. Travail du dimanche et en soirée
Le travail du dimanche et le travail en
soirée (jusqu'à minuit)
est autorisé sans restriction dans certaines zones : dans douze gares à forte
affluence, dans des zones commerciales (qui se substituent aux
"Puce", ces périmètres d'usage de consommation exceptionnel, créés en
2009), "dans des zones touristiques et dans des zones touristiques internationales".
Hors de ces zones spécifiques, le nombre
de "dimanches
du maire" passe de cinq
aujourd'hui, à neuf en 2015 et douze à compter de 2016 (avec l'avis de
l'intercommunalité à recueillir par le maire au-delà de cinq dimanches).
Les compensations financières pour les salariés sont obligatoires
et fixées par accord de branche, d'entreprise, ou accord territorial. Dans les
entreprises de moins de onze salariés, à défaut d'accord collectif ou d'accord
conclu à un niveau territorial, l'employeur peut fixer ces contreparties en
consultant ses salariés par référendum (approbation de la majorité d'entre eux
nécessaire).
Dans les zones touristiques internationales (ZTI), le travail de nuit commence à 21h (et
non plus minuit). La rémunération du salarié qui y est soumis doit être
multipliée par deux durant ces heures, et ce travail de nuit doit faire l'objet
d'un accord de groupe, d'entreprise, d'établissement ou territorial. L'accord
doit intégrer la mise à disposition d'un moyen de transport et des mesures
compensatoires pour la garde d'enfant.
3. Compte pénibilité
Le sénat avait voulu que la fiche individuelle retraçant l'exposition de chaque
salarié aux facteurs de pénibilité soit supprimée et que les facteurs pour lesquels des modalités de mesure de
l'exposition ont été définies soient limités à trois: le travail de nuit, le
travail en équipes successives alternantes et le travail en milieu hyperbare.
Finalement, le dispositif du compte pénibilité, dont l'application a été en
partie repoussée à 2016, n'est pas traité dans la loi Macron.
4. Résidence principale de l'entrepreneur
La résidence principale de
l'entrepreneur devient insaisissable. Cela ne vaut que pour les créances professionnelles naissant après la
promulgation de la loi Macron. Et ne vaut évidemment pas en cas de fraude
fiscale.
5. Epargne salariale
Les branches professionnelles ont l'obligation de négocier un accord
d'intéressement et un accord de participation, avant le 30 décembre 2017.
Le forfait social, cette contribution versée par l'employeur d'une part sur les sommes
versées au titre de l'intéressement ou de la participation, et d'autre part sur
ses abondements aux PEE, PEI et Perco, est fixé à 8% pendant six ans pour les
entreprises de moins de cinquante salariés mettant en place pour la première
fois un accord d'intéressement ou de participation.
L'entreprise qui dépasse le seuil de 50 salariés après avoir conclu un
accord d'intéressement est dispensée de conclure un accord de participation
pendant trois ans.
Participation et prime d'intéressement doivent désormais être versés avant une
date limite unique, à savoir le dernier jour du cinquième mois suivant
l'exercice de calcul au titre duquel les droits sont nés. Autrement dit, il
s'agit du 31 mai pour les entreprises dont l'exercice court du 1er janvier au
31 décembre. L'intéressement et la participation sont placés par défaut sur le
PEE ou le PEI du salarié. L'accord d'intéressement précise les modalités
d'information du salarié sur cette affectation. A défaut, ces modalités
relèvent d'un futur décret.
Dans les entreprises sans délégué syndical ou
comité d'entreprise, un Perco peut être mis en place par ratification
aux deux tiers des salariés. Cette possibilité existait déjà pour les PEE. Elle
est donc étendue aux Perco. Les salariés ne disposant pas d'un compte
épargne-temps (CET) peuvent transférer chaque année dix jours de congés payés
vers leur Perco, au lieu de cinq. L'employeur peut désormais alimenter, sous
forme de versements périodiques, réguliers, les Perco de l'ensemble de ses
salariés. Il s'agit de versements décidés de manière unilatérale, et non
d'abondements corrélés aux versements des salariés. Cette possibilité n'existe
aujourd'hui que pour un seul versement, initial, à "l'amorçage" du
Perco, dans la limite de 1% du plafond annuel de la sécurité sociale par an et
par salarié.
6. Actionnariat salarié
L'encadrement des attributions gratuites d'action (AGA) est revu, que ce soit en terme de
durée minimale cumulée d'acquisition et de conservation des titres, de régime
fiscal et de régime social. Certaines PME n'ayant versé aucun dividende depuis
trois ans bénéficient d'une franchise de cotisation patronale.
Concernant les BSPCE, pourront en proposer à leurs salariés non seulement les
entreprises de moins de quinze ans et réalisant moins de 150 millions de
chiffre d'affaires, mais désormais aussi leurs filiales, à condition qu'elles
en détiennent 75% du capital ou des droits de vote.
7. Suramortissement des investissements
Les entreprises réalisant des
investissements entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2016 ont droit à un "suramortissement" à hauteur de 140% de leur valeur.
Ainsi, pour un investissement de 100 000 euros, l'entreprise économisera
environ 13 000 euros d'impôt sur les sociétés (dans l'hypothèse d'un taux
normal d'IS).
La mesure porte sur cinq catégories d'investissement productifs : matériels et outillages
utilisés pour des opérations industrielles de fabrication ou de transformation,
matériels de manutention, installations destinées à l'épuration des eaux et à
l'assainissement de l'atmosphère, installations productrices de vapeur, de
chaleur ou d'énergie, matériels et outillages utilisés pour des opérations de
recherche scientifique ou technique. Les logiciels indissociables de ces biens
de production, de transformation et de recherche ainsi que ceux qui contribuent
aux opérations industrielles de fabrication et de transformation sont éligibles
à la mesure.
Les biens pris en crédit-bail ou loués avec option d'achat sont
éligibles à la mesure.
8. Cession d'entreprise
La loi Hamon obligeant l'employeur a avertir les salariés de la cession de son entreprise,
au moins deux mois en amont de celle-ci, est revue et corrigée. Informer les salariés ne devient
obligatoire que lorsqu'il s'agit de la vente d'un fonds de commerce ou d'au
moins 50% des parts d'une SARL ou d'une SA et non en cas de donation, échange,
apport...
Surtout, seule une sanction civile (de 2% du montant de la vente
maximum) menace l'entreprise qui ne respecterait pas ce devoir d'information.
Les salariés ne peuvent pas demander la nullité de la vente pour ce motif.
9. Cession forcée
Le tribunal de commerce peut, en cas de
procédure de redressement judiciaire, imposer une augmentation de capital ou une cession
forcée à l'égard des
associés ou actionnaires majoritaires qui, préférant une liquidation
judiciaire, s'opposent à faire rentrer au capital de l'entreprise des
créanciers souhaitant réinjecter de l'argent afin de poursuivre l'activité. La
décision de cession forcée s'accompagne d'un droit de retrait pour les autres
associés. Seules les entreprises d'au moins 150 salariés sont concernées. Il
faut par ailleurs, pour qu'une cession forcée soit possible, que la disparition
de l'entreprise soit de nature à causer un trouble grave à l'économie et au
bassin d'emploi.
10. Tribunaux de commerce
Dans le cadre des sauvegardes, des
redressements judiciaires et des liquidations judiciaires, les tribunaux de
commerce ne traiteraient plus que des affaires concernant des entreprises de petite taille (effectif inférieur à 250 salariés et
chiffre d'affaires net inférieur à 20 millions d'euros). Au-delà, des tribunaux
de commerce spécialisés seraient compétents.
11. Accords de maintien de l'emploi
Un accord de maintien de l'emploi va pouvoir être conclu pour une
durée de cinq ans, au lieu de deux ans. Il devra indiquer les conditions et
modalités de sa suspension en cas d'amélioration ou d'aggravation de la
situation économique de l'entreprise. Et les incidences de cette suspension sur
la situation des salariés et sur les engagement pris en matière d'emploi.
Les salariés refusant l'accord seront
licenciés pour motif économique sur une cause réelle et sérieuse et pourront, à
défaut de mesures d'accompagnement, bénéficier d'un congé de reclassement ou du contrat de sécurisation professionnelle
(CSP).
12. Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE)
Les entreprises devant établir un Plan de
sauvegarde de l'emploi (PSE) peuvent fixer le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements par accord collectif
ou par document unilatéral. Dans le cas d'un document unilatéral, ce périmètre
ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emploi dans laquelle sont
situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les
suppressions d'emploi.
Le contrôle de l'administration est limité
aux licenciements de dix salariés et plus dans les entreprises de moins de
cinquante salariés.
L'administration se prononcera désormais
sur la validité du PSE au regard des moyens dont dispose l'entreprise, et non
plus de ceux dont dispose le groupe auquel elle appartient.
En cas d'annulation par le tribunal
administratif d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan social
par la DIRECCTE, en raison d'une insuffisance de motivation, la DIRRECTE devra
prendre une nouvelle décision correctement motivée. Cela sera sans incidence
sur la validité du licenciement et ne donnera lieu ni à réintégration du
salarié, ni au versement d'une indemnité par l'employeur.
L'obligation de reclassement est limitée aux
emplois disponibles situés sur le territoire national, charge au salarié qui le
désire de demander l'accès à une liste d'emplois éventuellement disponibles à
l'étranger.
13. Prêts de trésorerie inter-entreprises
Une entreprise va pouvoir proposer à une
autre un crédit courant sur moins de
deux ans, à condition que toutes deux entretiennent une relation commerciale.
Le dispositif devrait être utilisé par les grands donneurs d'ordre voulant
aider leurs sous-traitants présentant des difficultés de trésorerie.
14. Bourses régionales
Les bourses régionales, supprimées il y a
vingt-cinq ans, sont de retour. Vont être créés en local des circuits courts de
financement pour les PME et PMI, en actions ou en obligations. Places de marché
dématérialisées, elle seront régulées par l'autorité des marchés financiers, et
animées par les collectivités locales (régions et métropoles) où elles seront
implantées, et également par la Caisse des dépôts et Bpifrance.
15. Recouvrement des petites créances par huissier
Une procédure simplifiée de recouvrement des petites
créances par huissier est instaurée. Ce dispositif concerne le retard de paiement de
créances contractuelles de faible montant (à fixer par décret, mais a priori,
le plafond serait de l'ordre de 1000 ou 2000 euros). L'huissier, qui
aujourd'hui peut déjà délivrer des titres exécutoires en cas de chèques sans
provision, aura donc la capacité de faire de même pour des petites créances, sur
demande du créancier, et à condition que le débiteur reconnaisse sa dette en
acceptant de participer à la procédure après avoir reçu un courrier recommandé
l'y invitant. L'accord du débiteur suspens la prescription. Les frais
qu'occasionne la procédure sont à la charge du créancier.
16. Délit d'entrave
Le délit d'entrave n'est plus puni d'une
peine d'emprisonnement d'un an lorsque l'employeur a "seulement"
porté atteinte à l'exercice régulier des fonctions des représentants du
personnel, mais seulement une amende de 7500 euros. En revanche, en cas de
refus de l'élection d'un comité d'entreprise ou de délégués du personnel, ou en
cas de licenciement illégal d'un représentant du personnel, l'employeur encourt
toujours la peine d'emprisonnement
17. Obligation d'embauche de travailleurs handicapés
Les entreprises doivent employer au moins
6% de personnes handicapées, sous peine de devoir verser une contribution
compensatrice à l'Agefiph ou au FIPHFP (pour la fonction publique). Pour
atteindre partiellement ce quota, de nouvelles actions s'offrent aux
entreprises : faire appel à des travailleurs indépendants handicapés,
accueillir des personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en
milieu professionnel, ainsi que des collégiens ou lycéens handicapés en stage
d'observation.
18. Inspection du travail
Le gouvernement est autorisé à prendre
dans les neufs mois suivant la promulgation de la loi Macron des mesures par
ordonnance visant à "renforcer le rôle de surveillance et les prérogatives
du système d'inspection du travail, étendre et coordonner les différents modes
de sanction, et, en matière de santé et de sécurité au travail, réviser
l'échelle des peines".
19. Relations entre partenaires commerciaux
·
Contrats liant un commerçant à un réseau. L'ensemble des contrats conclus entre un
exploitant et un réseau (exemple : approvisionnement , électricité...) , et qui
comportent des clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice de
l'exploitant, doivent désormais prévoir une échéance commune. La distribution
sélective est exempte de ce dispositif.
·
Pratiques abusives
entre partenaires commerciaux. L'amende civile peut désormais aller jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires
réalisé en France par l'auteur des pratiques incriminées. Toutefois, elle peut
toujours être portée au triple du montant des sommes indûment versées.
20. PEA-PME
Les épargnants réorientant dans un délai d'un mois leur épargne d'un
compte-titres ordinaire vers un PEA-PME, ceci entre le 1er juin 2015 et le 31
mai 2016, vont bénéficier d'un abattement exceptionnel sur la plus-value de la
cession de leurs titres: de 50 % s'ils les détenaient depuis moins de quatre
ans à la date de la cession, de 75% s'ils les possédaient depuis au moins
quatre ans et moins de huit, et de 100% s'ils en disposaient depuis au moins 8
ans. Ils doivent s'engager à conserver les titres du PEA-PME pour au moins cinq
ans.
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