mardi 25 août 2015

Génération Z


Les générations se suivent et ne se ressemblent pas
Lucides mais idéalistes, en quête de liberté mais aussi de réassurance, solidaires mais sélectifs, plus à l’aise dans l’échange virtuel que dans le contact direct… La génération Z, ces natifs des années 1990, offre un portrait fait d’aspirations contradictoires et de valeurs paradoxales. Complexité avec laquelle les managers devront composer. A commencer par leur goût marqué du collectif, loin de l’hyperindividualisme de leurs aînés, mais aussi leur grande créativité, leur implication et surtout, leur intégrité.


Celle d’individus gouvernés par l’affect, dans l’entreprise comme ailleurs. Intransigeants dans leurs attentes et fidèles pour peu qu’on leur en donne les raisons, ces nouveaux acteurs représentent certes un défi, leur profil apparaissant incompatible avec les logiques verticales traditionnelles et les cadres imposés – mais surtout une opportunité à saisir.
Des mois, des années même que l’on nous parle de la génération Y, que des manuels de RH et des coachs en management décryptent leur mode de fonctionnement, leurs valeurs, leurs attentes. Au point qu’aujourd’hui, cette population de salariés n’a plus de secret pour les entreprises. Tant mieux ; car cette expertise managériale, bien que fraîchement acquise, sera bientôt caduque. Motif : à cette catégorie socio-culturelle est en passe d’en succéder une autre.
Plus jeune, cela va sans dire, puisqu’il s’agit des natifs des années 1991-1999, et surtout, plus complexe. Non pas tant dans ses signes distinctifs qui, que l’on se rassure, se résument pour la plupart à des versions accentuées de ceux que l’on percevait déjà chez la Y – quête de sens, goût de l’autonomie, rejet de l’autorité verticale… -, mais surtout parce que, dans cette version rajeunie, ces spécificités se trouvent assorties d’aspirations contradictoires avec lesquelles il faudra prochainement composer. Car si la génération Z – puisque c’est d’elle qu’il s’agit – reste pour l’heure plus présente sur les bancs de la fac voire du lycée que dans les open spaces des entreprises, il n’en sera pas toujours ainsi.
Autant donc se familiariser avec ces profils et leurs particularités pour éviter un nouveau choc culturel à tous ceux qui, en qualité de N+1, de DRH ou de dirigeant d’entreprise, auront bientôt à les attirer, à les fidéliser et à les motiver. En un mot, à les manager. Portrait-robot de ces nouveaux venus qui, dans la tête de nombreux marketeurs et sociologues du travail, font déjà passer les représentants de la génération Y pour des anciens combattants.

Lucides, idéalistes et matures
Premiers éléments d’identification – hormis les dates de naissance figurant sur le CV – les grands classiques de la génération Y, donc : dépendance aux réseaux sociaux et totale maîtrise des nouvelles technologies, tendance marquée au questionnement permanent, rejet des formes classiques d’autorité et de leurs différentes expressions managériales, etc. Connus et directement hérités de leurs prédécesseurs. Moins attendus, en revanche, sont les associations des contraires qui dominent dans ces nouveaux profils de salariés. A commencer par cette double tendance à la lucidité et à l’idéalisme. Une association inhabituelle et pourtant frappante chez ces futurs actifs qui découle d’une conscience aigüe du monde qui les entoure. Conscience qui, selon Laurent Bibart, professeur de management à l’Essec, s’affirme jusque dans l’appellation qu’on leur a assignée et qui, selon lui, conditionne d’entrée ces futurs actifs sur leurs supposées perspectives.
“Ce concept de “génération Z” est une qualification infernale qui semble signifier qu’on leur arrête le monde ; que la société n’a plus rien à offrir : plus de travail, plus d’ascenseur social, plus de retraites… Ce qui place ces jeunes dans un état de questionnement sans fin”, résume-t-il. D’autant que, plus encore que leurs aînés, les 13-21 ans sont les représentants d’une génération surinformée. Hyper-sensibilisée, de par Internet et le poids déterminant des réseaux sociaux dans son quotidien, au monde qui l’entoure et à ses réalités, aussi bien économiques que géopoliques, sociétales ou environnementales. Une spécificité qui, selon Christophe Bouruet, directeur clientèle de BVA Opinion et responsable des études auprès des salariés, place ces jeunes très loin devant ceux des générations précédentes en termes de maturité.
“Ils sont extrêmement informés, conscients des réalités de l’entreprise et du monde du travail tout autant que des risques encourus par la planète. Si bien qu’ils sont à la fois beaucoup plus lucides et beaucoup plus matures que ceux des générations précédentes.” Présidente de l’Obsoco (Observatoire de société et de consommation), Nathalie Damery confirme. “Cette grande connaissance des réalités qui les entourent n’est pas forcément très structurée idéologiquement – la majorité des gens de cette génération étant, comme les Y avant eux, peu politisés – mais elle est portée par une forte conscience de l’autre et par le fait qu’ils estiment avoir une responsabilité individuelle dans le monde en marche.”
Pollution, chômage, exclusion, crise de la dette et dérèglement climatique, rien ne leur échappe et, surtout, tout les concerne. Car, autre spécificité marquante de cette génération montante, ses représentants ne sont pas dans la réflexion passive. Encore moins dans la contemplation. La conscience qu’ils ont du monde et de l’époque dans lesquels ils vivent, de leurs défis et de leurs enjeux, les poussent vers une forme d’idéalisme, certes – “nous voulons faire mieux, plus, différemment que nos prédécesseurs…” –, mais celui-ci s’accompagne, atout de poids, d’un goût marqué pour l’action. Une association qui fait de cette génération Z de véritables acteurs du monde en marche et, pour l’entreprise qui saura en tirer profit, des contributeurs à haut niveau d’employabilité.

Engagés mais autonomes
“Ils sont très concernés par leur époque, le monde dans lequel ils vivent, son avenir, les menaces qui pèsent sur lui – de Fukushima à la montée de l’islamisme – et sur ce plan ils ne se voient pas en observateurs mais se placent dans l’action, résume Nathalie Damery. Ils veulent avant tout être utiles.” Ce qui se traduit en premier lieu par un goût marqué du collectif.
Finies, donc, les tendances à l’hyperindividualisme et les comportements mercenaires qui, dans les organisations, en étaient les premières manifestations. Avec les Z, l’heure est certes à la liberté, mais aussi – et c’est un autre paradoxe de cette génération – au lien. A l’engagement. Et, pourquoi pas, au temps long. Une bonne surprise pour les entreprises qui s’étaient habituées aux ambitions individuelles priorisées sur l’intérêt général et aux expériences professionnelles envisagées comme autant de lignes supplémentaires sur le CV. Christophe Bouruet est formel : cette époque est révolue.
“On n’est plus du tout dans les logiques ultra-individualistes des générations précédentes et notamment de la Y, au contraire : toutes les enquêtes sur les 15-25 ans montrent un goût réel et bien plus marqué que chez les générations précédentes pour le travail et l’entreprise mais aussi pour les relations avec les collègues”, explique-t-il avant de rappeler qu’aujourd’hui, on a très jeune – beaucoup plus jeune qu’avant – le goût de l’engagement. “Encore une fois, toutes les études sur les jeunes actifs en témoignent : les représentants de la génération Z ont le sens et le goût du collectif, dans l’entreprise comme dans toutes les sphères de la société”, poursuit Christophe Bouruet avant de souligner que ce goût des autres se manifeste aussi bien par de l’engagement associatif que par une quête de liens corporate. “Ce qui peut représenter un atout précieux pour les entreprises en favorisant non seulement les fidélités à long terme mais aussi la cohésion intergénérationnelle.”
Inutile, toutefois, d’espérer tirer parti de ces différents points forts au moyen des anciens ressorts managériaux et donc d’espérer valoriser leur potentiel en soumettant ces nouvelles recrues aux mêmes schémas hiérarchiques, obligations de reporting et procédures formatées que leurs prédécesseurs. Ce serait peine perdue. Laurent Brouat en sait quelque chose, lui qui, en enseignant les RH et réseaux sociaux à Reims Management School, côtoie ces jeunes au quotidien et constate chaque jour leur rejet des cadres classiques.
“Ils ont du mal à s’épanouir dans un cadre figé et imposé, explique-t-il. C’est flagrant en classe où ils ne s’impliquent vraiment dans le déroulé du cours qu’une fois qu’ils en sont devenus co-acteurs et y prennent part activement. Alors seulement on les sent motivés, désireux d’apprendre et de participer et on parvient à d’excellents résultats car ils ont une réserve de créativité considérable et beaucoup d’enthousiasme.” Des atouts de taille pour tout dirigeant d’entreprise mais dont, encore une fois, on ne tirera profit qu’à certaines conditions. La première consistant, on l’aura compris, à respecter cette notion d’autonomie qui, de précieuse chez la génération Y, est en passe de devenir non négociable avec la Z.
Un aspect clé de ce nouveau profil de salariés que Nathalie Damery voit se refléter dans le choix de certaines icônes. A commencer par celle du fondateur de PriceMinister, Pierre Kosciusko-Morizet, qui, pour cette nouvelle génération, incarne la figure entrepreneuriale par excellence. Motif : il ne se contente pas d’avoir réussi, il a su conserver cette simplicité, synonyme de liberté et de recul “face au système” que la nouvelle génération valorise plus que tout. “Il a créé sa start-up sur une belle idée, a formidablement réussi, est resté sympa et accessible malgré son succès et aujourd’hui parle de tout arrêter pour se mettre à la musique, résume Nathalie Damery. C’est cela, pour eux, l’emblème d’exemplarité.” Une figure libre, indiscutablement, mais pas pour autant dépourvue de repères.

La fin du moule corporate
Car, autre paradoxe de la génération Z, si on y est avide de liberté individuelle, on l’est également de réassurance. Deux aspirations a priori antinomiques que les managers de demain devront pourtant apprendre à réconcilier s’ils veulent tirer parti, une fois de plus, de ce nouveau réservoir de talent et de créativité bientôt disponible sur le marché. Pour Benjamin Chaminade, consultant RH et spécialiste de la question, le diagnostic est sans appel : “C’est la fin des moules corporate.” Ces nouveaux acteurs ne se pliant pas facilement aux schémas de subordination et aux manifestations d’autorité verticale, ils chercheront à les remplacer par “une relation personnelle et non hiérarchique” et à faire de leur poste non pas un cadre organisationnel rigide et clairement délimité mais “une playlist dans laquelle piocher les meilleurs morceaux”.
Un côté “à la carte” que la sociologue de l’Ehess et directrice de recherche au CNRS, Monique Dagnaud*, explique d’abord par l’héritage Internet encore plus omniprésent chez les Z que chez les Y. “Non seulement la culture d’Internet repose sur une logique égalitaire et très horizontale, mais les jeunes sont également profondément imprégnés des logiques héritées de Facebook et des réseaux sociaux en général où tout se discute et se négocie, explique-t-elle. Si bien que, pour eux, l’ordre imposé de façon verticale est généralement mal reçu, de même que la plupart auront du mal à accepter un cadre professionnel très codifié.”
Un écueil potentiel pour tout futur employeur contrebalancé selon elle par le fait que beaucoup n’en demeurent pas moins “à la recherche du progrès, du partage de connaissance, et donc ouverts à une forme de transmission”. Laquelle, Laurent Brouat insiste, ne fonctionnera que si le management s’adapte à certaines de leurs règles du jeu. “La transmission et l’apprentissage fonctionnent très bien dès lors qu’on leur donne les clés du camion tout en leur garantissant une forme de conduite accompagnée, résume-t-il ; car s’ils sont beaucoup dans l’action et veulent être co-acteurs du projet – quel qu’il soit – pour s’y impliquer, ils sont également marqués par une grande timidité, une retenue face au contact direct qui les poussent à rechercher une protection.” Que ce soit celle d’un écran d’ordinateur, d’un N+1, ou, en dépit de leur goût incompressible pour la liberté, d’un cadre.
Un paradoxe dont Laurent Brouat a récemment pris toute la mesure à l’occasion d’une campagne menée par LinkHuman, le cabinet de conseil en stratégie de recrutement innovant dont il est le directeur associé, et qui, il y a peu, proposait des places de stages par le biais d’une vidéo diffusée sur YouTube. Le message diffusé était simple : l’entreprise demandait aux candidats de lui adresser non pas un CV mais une vidéo librement réalisée – sans aucune contrainte de fond et de forme – sur l’e-reputation, de la mettre en ligne et de la faire “buzzer” sur les réseaux sociaux.
Le résultat de la campagne est éloquent : alors que le film du recrutement a été visionné 1 400 fois sur YouTube, LinkHuman n’en a reçu que deux en réponse à son appel aux candidatures et, contrairement à ses instructions en ligne, quantité de CV en format PDF. Pour Laurent Brouat, l’épisode résume à lui seul un des nombreux paradoxes d’une génération hyperconnectée et émancipée des règles mais aussi, par bien des aspects, prudente voire timorée dès lors qu’il s’agit de sortir totalement des cadres et de s’exposer au contact direct. Qui, en clair, “rejette les structures mais en ont encore besoin”, résume-t-il. Une contradiction qui se manifeste également dans une approche à la fois passionnée et sélective de la solidarité, cette expérience du collectif que les 15-20 ans revendiquent sans limites derrière l’anonymat protecteur d’un écran mais qui tend à s’émousser dès lors qu’elle sort du virtuel pour s’exprimer en mode direct.

Solidaires mais sélectifs
Pour Laurent Bibard, de l’Essec, l’effet de contraste est, une fois de plus, saisissant. “D’un côté ces jeunes sont beaucoup dans la solidarité et la compassion sincères et spontanées avec l’autre qui leur est étranger et avec qui ils ne sont pas en contact direct – conformément à la dimension idéaliste très marquée de leur profil –, de l’autre ils ne semblent en paix qu’avec ceux qui, dans la proximité du monde réel, leur ressemblent fondamentalement.” Motif de cette empathie à deux vitesses : le contact direct est perçu comme trop risqué et vécu comme une source potentielle de confrontation. Surtout lorsque celui-ci leur impose de côtoyer de près une différence marquée.
Une réticence face à l’altérité que Laurent Bibard explique, une fois encore, par un persistant besoin de réassurance. “Le fait qu’ils pratiquent une forme de sociabilité via les réseaux sociaux qui leur permettent d’être avec les autres, et même de se soucier vraiment des autres, ne signifie pas pour autant qu’ils comprennent l’altérité ; et encore moins cette nécessité essentielle en entreprise comme en toute collectivité d’accepter que l’on puisse être en désaccord avec l’autre sans pour autant entrer en conflit avec lui,décrypte-t-il. Or aujourd’hui, il est frappant de constater que, chez les jeunes, le désaccord signifie de plus en plus la rupture, ce qui est très problématique car en entreprise comme ailleurs, c’est de l’acceptation d’une altérité que provient l’enrichissement.”
Preuve que beaucoup y voient d’abord une menace, surtout lorsque celle-ci ne concerne pas leur réseau Facebook mais leur environnement immédiat : le fait, révélé par le journal Le Monde il y a quelques jours, que Marine Le Pen arrive en tête des intentions de vote auprès des 18-25 ans… Un revers peu reluisant de l’idéalisme qui les caractérise et qui, une fois transposé en milieu professionnel, pourrait se traduire par des difficultés à communiquer, à échanger et à s’enrichir du point de vue et des idées d’autres profils et savoirs que les siens. Autrement dit, par des réflexes claniques en totale contradiction avec les préceptes pourtant chers aux entreprises de la cross-fertilization.
Pour Nathalie Damery, le risque est réel. “Il est clair que les Z travaillent plus facilement en réseau qu’en physique, confirme-t-elle. Ils sont habitués au contact déshumanisé et celui-là leur est extrêmement facile et naturel, alors qu’ils n’ont pas du tout la même facilité à communiquer en direct.” Rassurant… Et révélateur de personnalités qui, à en croire Benjamin Chaminade, qui le premier eut recours au label de “génération Y” pour désigner les 20-35 ans, se caractérise avant tout par une propension jusqu’alors inégalée à l’affectif. Particularité qui aurait même valu aux membres de la génération Z l’appellation de “émos” pour émotifs. C’est dire.

Le poids de l’affect
Déjà perceptible chez leurs aînés, ce poids de l’affect s’est affirmé au cours des dernières années au point de devenir un trait distinctif essentiel des 15-20 ans. Une véritable marque de fabrique avec laquelle, une fois encore, les managers n’auront d’autre choix que de composer. Car même si, dans bien des cas, cette tendance à l’hypersensibilité rendra les nouveaux venus difficiles à manœuvrer – notamment parce que toute remarque ou demande de remise en question sera potentiellement perçue comme une attaque personnelle -, elle pourra s’avérer un levier de management efficace pour peu que l’entreprise sache l’actionner.
Nathalie Damery confirme : tous les ingrédients d’une relation créatrice de valeur sont là. A commencer par l’envie d’une implication dans le temps et l’enthousiasme, comme en témoigne la dernière étude de l’Observatoire du Travail – publiée en février dernier et signée BPI, BVA et L’Express – qui révèle ainsi que, parmi les 15-24 ans déjà actifs, 84 % sont satisfaits au travail contre 78 % pour les autres catégories et 82 % se disent motivés contre 77 % pour le reste des salariés.
“Lorsque l’on interroge les ados aujourd’hui, on s’aperçoit que ce sont des idéalistes qui veulent de l’engagement longue durée, résume-t-elle. Ce ne sont plus les zappeurs et les mercenaires qu’on a pu décrire : dans la famille, le couple, et aussi l’entreprise si celle-ci joue le jeu et ne les déçoit pas, ils veulent de la fidélité, du long terme.” Reste à cerner leur vision de l’entreprise ; et une fois encore, celle-ci se définit en fonction de ce critère désormais décisif de choix : l’affect. Raison pour laquelle, indique Nathalie Damery, “l’entreprise, pour eux, c’est la start-up : l’aventure avec les copains”, et la section qui rencontre le plus fort succès à HEC, celle consacrée à la création d’entreprise. “Sur ce plan ils sont dans une sorte de mélange des genres qui montre le poids de l’affect dans leurs orientations, résume-t-elle. Dans tous les domaines de la vie ils sont dans le contrat affectif et cela se prolonge dans l’entreprise.”
Une forme de confusion des sentiments qui, pour cette génération nourrie aux réseaux sociaux et, comme le remarque Monique Dagnaud, au “culte de l’horizontalité”, était selon elle inévitable. “Pour eux les notions d’égalité et de partage consentis dans les rapports – que ceux-ci soient de consommation, privés ou professionnels – est une réalité acquise.” Un point de départ une fois encore non négociable qui pourrait contraindre l’entreprise à certaines adaptations de style.

La relation de confiance
A commencer par cet impératif consistant à faire de la relation de confiance une base du contrat entreprise-salarié. Pour Benjamin Chaminade, plus qu’un compromis, il s’agit d’une condition sine qua non. Ces nouveaux collaborateurs étant “plus informés, moins crédules, moins naïfs”, ils requièrent “plus d’authenticité dans les modes managériaux”. Plus question donc d’habillage cosmétique à coups de fausses valeurs corporate ou de promesses non tenues. Nathalie Damery est formelle : avec les Y, cela posait déjà problème. Avec les Z, cela devient une véritable clause suspensive.
“Sur le plan de la confiance réciproque ils ont une forme réelle d’intransigeance : l’entreprise ne doit pas les décevoir”, assène-t-elle avant de remarquer que cette attitude pressentie dans le monde professionnel est une transposition directe de celle qui les caractérise déjà dans le monde de la consommation. “Tant qu’une marque demeure conforme à leurs attentes, ils n’ont aucune raison d’en changer. Mais si elle s’avère déceptive pour une raison ou une autre, ni le poids de la marque ni son story-telling ne les retiendront : ils changeront tout de suite.”
Et il y a tout à parier qu’il en sera ainsi avec un employeur, estime Christophe Bouruet qui juge le scénario en parfaite conformité avec le profil des acteurs. “Encore une fois on est dans une génération très entière, où l’affect occupe une place déterminante, rappelle-t-il. Le goût d’apprendre est très fort, accompagné d’un réel enthousiasme, mais qui dit enthousiasme dit risque accru d’être déçu ; et en cas de déception, ces nouveaux salariés n’étant pas dans le compromis, ils n’hésiteront pas à passer à autre chose.”
Qu’on ne se méprenne pas sur les raisons profondes de cette intransigeance. Pour Nathalie Damery, il ne s’agit pas d’immaturité et encore moins de caprice. Simplement d’une certaine forme d’intégrité ; “Les Y était beaucoup dans le “oui, mais…” : ils donnaient mais avec une attente claire en retour. Les Z sont moins dans cette logique de négociation mais ils sont toujours dans un rapport de donnant-donnant. Dans une notion de réciprocité basée sur une logique forte de confiance. Si bien qu’il ne faut surtout pas les trahir sur les engagements pris.” Que ce soit du domaine factuel – prime, CDI, augmentation…- ou RSE – valeurs non conformes aux pratiques de l’entreprise, discours de façade, etc. “Sinon, c’est un motif de rupture”, confirme-t-elle.
On l’aura compris, les Z incarnent une autre forme de sociabilité et un réservoir de créativité et de talent qui, d’ici quelques années, devrait s’avérer déterminant pour les entreprises. A condition, cela va sans dire, que celles-ci sachent composer avec leurs attentes et leurs valeurs. Comme elles ont appris à le faire avec celles de leurs prédécesseurs, ce qui devrait leur faciliter sensiblement la tâche. Et puis, le jeu en vaut la chandelle, estime Laurent Bibard qui rappelle ce qu’il estime être la première vertu de cette génération montante : “Leur incapacité à tolérer l’idée d’une vie absurde.”

Si bien que leur exigence de sens et d’éthique, d’authenticité et d’épanouissement en s’appliquant aussi bien à la sphère privée que professionnelle contraint les entreprises à une remise en question. “On ne peut plus les manipuler facilement. Ils sont dans une forte exigence de sens, d’authenticité et d’éthique. Et le fait qu’ils soient dans un questionnement permanent les place en position de challenger l’entreprise, ses modes de fonctionnement et ses règles, ce qui peut être un atout à terme pour elle. Ils ont le potentiel d’assainir les organisations et leurs logiques figées.” Un vecteur de remise en question de l’intérieur qui peut bousculer les codes et apporter un changement salutaire. Cela mérite bien quelques ajustements formels.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire