mercredi 15 juillet 2015

Loi Macron adoptée: 20 mesures qui vont changer la vie de l'entreprise et du salarié

Le projet pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, porté par le ministre de l'Economie Emmanuel Macron, a été adopté définitivement au Parlement le 10 juillet 2015.

Le projet de loi pour la croissance et l'activité a été adopté le 10 juillet par le Parlement, achevant un parcours long et mouvementé. Ce qu'il faut retenir.

Le chemin a semblé interminable. Après des mois de discussion, le projet de loi Macron a été adopté par l'Assemblée en lecture définitive le 10 juillet, au lendemain d'un ultime recours du gouvernement à l'article 49.3 de la Constitution, et en l'absence d'une motion de censure. Le texte devra encore passer l'épreuve du Conseil constitutionnel, que le groupe Les Républicains doit saisir aujourd'hui. Voici, dans les grandes lignes, les mesures concernant les employeurs et les salariés.  
1. Prud'hommes
Un barème obligatoire d'indemnités est établi pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse. (A noter: plusieurs syndicats de salariés, d'avocats et de la magistrature ont annoncé qu'ils tenteront de faire invalider par cette voie le barème plafonnant les dommages et intérêts pour licenciement.)  
Une formation initiale commune aux conseillers employeurs et salariés est mise en place. Les sanctions disciplinaires qui peuvent leur être appliquées sont revues.  
La procédure aux prud'hommes est réorganisée, avec la possibilité, si toutes les parties sont d'accord, ou si la nature de l'affaire le justifie, de passer directement de la phase de conciliation (devant le bureau de conciliation et d'orientation) à la formation de départage. Et avec l'instauration d'une procédure accélérée lorsque le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire. Il s'agit, lorsqu'il y a échec de la conciliation et que les deux parties sont d'accord pour le faire, de pouvoir passer devant un bureau de jugement en formation restreinte, comprenant seulement un conseiller salarié et un conseiller employeur (contre deux et deux, dans une formation classique). Cette formation restreinte statue alors dans un délai de trois mois. S'il estime que le dossier ne relève pas de sa formation, ou en cas de partage entre les deux juges, l'affaire est envoyée en départage.  
Le défenseur syndical, qui assiste ou représente le salarié ou l'employeur devant les prud'hommes, ainsi qu'en appel, obtient un vrai statut, avec des autorisations d'absence pour l'exercice de ses fonctions et pour des périodes de formation.  
2. Travail du dimanche et en soirée
Le travail du dimanche et le travail en soirée (jusqu'à minuit) est autorisé sans restriction dans certaines zones : dans douze gares à forte affluence, dans des zones commerciales (qui se substituent aux "Puce", ces périmètres d'usage de consommation exceptionnel, créés en 2009), "dans des zones touristiques et dans des zones touristiques internationales".  
Hors de ces zones spécifiques, le nombre de "dimanches du maire" passe de cinq aujourd'hui, à neuf en 2015 et douze à compter de 2016 (avec l'avis de l'intercommunalité à recueillir par le maire au-delà de cinq dimanches).  
Les compensations financières pour les salariés sont obligatoires et fixées par accord de branche, d'entreprise, ou accord territorial. Dans les entreprises de moins de onze salariés, à défaut d'accord collectif ou d'accord conclu à un niveau territorial, l'employeur peut fixer ces contreparties en consultant ses salariés par référendum (approbation de la majorité d'entre eux nécessaire).  
Dans les zones touristiques internationales (ZTI), le travail de nuit commence à 21h (et non plus minuit). La rémunération du salarié qui y est soumis doit être multipliée par deux durant ces heures, et ce travail de nuit doit faire l'objet d'un accord de groupe, d'entreprise, d'établissement ou territorial. L'accord doit intégrer la mise à disposition d'un moyen de transport et des mesures compensatoires pour la garde d'enfant.  
3. Compte pénibilité
Le sénat avait voulu que la fiche individuelle retraçant l'exposition de chaque salarié aux facteurs de pénibilité soit supprimée et que les facteurs pour lesquels des modalités de mesure de l'exposition ont été définies soient limités à trois: le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes et le travail en milieu hyperbare. Finalement, le dispositif du compte pénibilité, dont l'application a été en partie repoussée à 2016, n'est pas traité dans la loi Macron.  
4. Résidence principale de l'entrepreneur
La résidence principale de l'entrepreneur devient insaisissable. Cela ne vaut que pour les créances professionnelles naissant après la promulgation de la loi Macron. Et ne vaut évidemment pas en cas de fraude fiscale.  
5. Epargne salariale
Les branches professionnelles ont l'obligation de négocier un accord d'intéressement et un accord de participation, avant le 30 décembre 2017.  
Le forfait social, cette contribution versée par l'employeur d'une part sur les sommes versées au titre de l'intéressement ou de la participation, et d'autre part sur ses abondements aux PEE, PEI et Perco, est fixé à 8% pendant six ans pour les entreprises de moins de cinquante salariés mettant en place pour la première fois un accord d'intéressement ou de participation.  
L'entreprise qui dépasse le seuil de 50 salariés après avoir conclu un accord d'intéressement est dispensée de conclure un accord de participation pendant trois ans.  
Participation et prime d'intéressement doivent désormais être versés avant une date limite unique, à savoir le dernier jour du cinquième mois suivant l'exercice de calcul au titre duquel les droits sont nés. Autrement dit, il s'agit du 31 mai pour les entreprises dont l'exercice court du 1er janvier au 31 décembre. L'intéressement et la participation sont placés par défaut sur le PEE ou le PEI du salarié. L'accord d'intéressement précise les modalités d'information du salarié sur cette affectation. A défaut, ces modalités relèvent d'un futur décret.  
Dans les entreprises sans délégué syndical ou comité d'entreprise, un Perco peut être mis en place par ratification aux deux tiers des salariés. Cette possibilité existait déjà pour les PEE. Elle est donc étendue aux Perco. Les salariés ne disposant pas d'un compte épargne-temps (CET) peuvent transférer chaque année dix jours de congés payés vers leur Perco, au lieu de cinq. L'employeur peut désormais alimenter, sous forme de versements périodiques, réguliers, les Perco de l'ensemble de ses salariés. Il s'agit de versements décidés de manière unilatérale, et non d'abondements corrélés aux versements des salariés. Cette possibilité n'existe aujourd'hui que pour un seul versement, initial, à "l'amorçage" du Perco, dans la limite de 1% du plafond annuel de la sécurité sociale par an et par salarié.  
6. Actionnariat salarié
L'encadrement des attributions gratuites d'action (AGA) est revu, que ce soit en terme de durée minimale cumulée d'acquisition et de conservation des titres, de régime fiscal et de régime social. Certaines PME n'ayant versé aucun dividende depuis trois ans bénéficient d'une franchise de cotisation patronale.  
Concernant les BSPCE, pourront en proposer à leurs salariés non seulement les entreprises de moins de quinze ans et réalisant moins de 150 millions de chiffre d'affaires, mais désormais aussi leurs filiales, à condition qu'elles en détiennent 75% du capital ou des droits de vote.  
7. Suramortissement des investissements
Les entreprises réalisant des investissements entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2016 ont droit à un "suramortissement" à hauteur de 140% de leur valeur. Ainsi, pour un investissement de 100 000 euros, l'entreprise économisera environ 13 000 euros d'impôt sur les sociétés (dans l'hypothèse d'un taux normal d'IS).  
La mesure porte sur cinq catégories d'investissement productifs : matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication ou de transformation, matériels de manutention, installations destinées à l'épuration des eaux et à l'assainissement de l'atmosphère, installations productrices de vapeur, de chaleur ou d'énergie, matériels et outillages utilisés pour des opérations de recherche scientifique ou technique. Les logiciels indissociables de ces biens de production, de transformation et de recherche ainsi que ceux qui contribuent aux opérations industrielles de fabrication et de transformation sont éligibles à la mesure. 
Les biens pris en crédit-bail ou loués avec option d'achat sont éligibles à la mesure.  
8. Cession d'entreprise
La loi Hamon obligeant l'employeur a avertir les salariés de la cession de son entreprise, au moins deux mois en amont de celle-ci, est revue et corrigée. Informer les salariés ne devient obligatoire que lorsqu'il s'agit de la vente d'un fonds de commerce ou d'au moins 50% des parts d'une SARL ou d'une SA et non en cas de donation, échange, apport...  
Surtout, seule une sanction civile (de 2% du montant de la vente maximum) menace l'entreprise qui ne respecterait pas ce devoir d'information. Les salariés ne peuvent pas demander la nullité de la vente pour ce motif.  
9. Cession forcée
Le tribunal de commerce peut, en cas de procédure de redressement judiciaire, imposer une augmentation de capital ou une cession forcée à l'égard des associés ou actionnaires majoritaires qui, préférant une liquidation judiciaire, s'opposent à faire rentrer au capital de l'entreprise des créanciers souhaitant réinjecter de l'argent afin de poursuivre l'activité. La décision de cession forcée s'accompagne d'un droit de retrait pour les autres associés. Seules les entreprises d'au moins 150 salariés sont concernées. Il faut par ailleurs, pour qu'une cession forcée soit possible, que la disparition de l'entreprise soit de nature à causer un trouble grave à l'économie et au bassin d'emploi.  
10. Tribunaux de commerce
Dans le cadre des sauvegardes, des redressements judiciaires et des liquidations judiciaires, les tribunaux de commerce ne traiteraient plus que des affaires concernant des entreprises de petite taille (effectif inférieur à 250 salariés et chiffre d'affaires net inférieur à 20 millions d'euros). Au-delà, des tribunaux de commerce spécialisés seraient compétents.  
11. Accords de maintien de l'emploi
Un accord de maintien de l'emploi va pouvoir être conclu pour une durée de cinq ans, au lieu de deux ans. Il devra indiquer les conditions et modalités de sa suspension en cas d'amélioration ou d'aggravation de la situation économique de l'entreprise. Et les incidences de cette suspension sur la situation des salariés et sur les engagement pris en matière d'emploi.  
Les salariés refusant l'accord seront licenciés pour motif économique sur une cause réelle et sérieuse et pourront, à défaut de mesures d'accompagnement, bénéficier d'un congé de reclassement ou du contrat de sécurisation professionnelle (CSP).  
12. Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE)
Les entreprises devant établir un Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) peuvent fixer le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements par accord collectif ou par document unilatéral. Dans le cas d'un document unilatéral, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emploi.  
Le contrôle de l'administration est limité aux licenciements de dix salariés et plus dans les entreprises de moins de cinquante salariés.  
L'administration se prononcera désormais sur la validité du PSE au regard des moyens dont dispose l'entreprise, et non plus de ceux dont dispose le groupe auquel elle appartient.  
En cas d'annulation par le tribunal administratif d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan social par la DIRECCTE, en raison d'une insuffisance de motivation, la DIRRECTE devra prendre une nouvelle décision correctement motivée. Cela sera sans incidence sur la validité du licenciement et ne donnera lieu ni à réintégration du salarié, ni au versement d'une indemnité par l'employeur.  
L'obligation de reclassement est limitée aux emplois disponibles situés sur le territoire national, charge au salarié qui le désire de demander l'accès à une liste d'emplois éventuellement disponibles à l'étranger.  
13. Prêts de trésorerie inter-entreprises
Une entreprise va pouvoir proposer à une autre un crédit courant sur moins de deux ans, à condition que toutes deux entretiennent une relation commerciale. Le dispositif devrait être utilisé par les grands donneurs d'ordre voulant aider leurs sous-traitants présentant des difficultés de trésorerie.  
14. Bourses régionales
Les bourses régionales, supprimées il y a vingt-cinq ans, sont de retour. Vont être créés en local des circuits courts de financement pour les PME et PMI, en actions ou en obligations. Places de marché dématérialisées, elle seront régulées par l'autorité des marchés financiers, et animées par les collectivités locales (régions et métropoles) où elles seront implantées, et également par la Caisse des dépôts et Bpifrance.  
15. Recouvrement des petites créances par huissier
Une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances par huissier est instaurée. Ce dispositif concerne le retard de paiement de créances contractuelles de faible montant (à fixer par décret, mais a priori, le plafond serait de l'ordre de 1000 ou 2000 euros). L'huissier, qui aujourd'hui peut déjà délivrer des titres exécutoires en cas de chèques sans provision, aura donc la capacité de faire de même pour des petites créances, sur demande du créancier, et à condition que le débiteur reconnaisse sa dette en acceptant de participer à la procédure après avoir reçu un courrier recommandé l'y invitant. L'accord du débiteur suspens la prescription. Les frais qu'occasionne la procédure sont à la charge du créancier.  
16. Délit d'entrave
Le délit d'entrave n'est plus puni d'une peine d'emprisonnement d'un an lorsque l'employeur a "seulement" porté atteinte à l'exercice régulier des fonctions des représentants du personnel, mais seulement une amende de 7500 euros. En revanche, en cas de refus de l'élection d'un comité d'entreprise ou de délégués du personnel, ou en cas de licenciement illégal d'un représentant du personnel, l'employeur encourt toujours la peine d'emprisonnement  
17. Obligation d'embauche de travailleurs handicapés
Les entreprises doivent employer au moins 6% de personnes handicapées, sous peine de devoir verser une contribution compensatrice à l'Agefiph ou au FIPHFP (pour la fonction publique). Pour atteindre partiellement ce quota, de nouvelles actions s'offrent aux entreprises : faire appel à des travailleurs indépendants handicapés, accueillir des personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en milieu professionnel, ainsi que des collégiens ou lycéens handicapés en stage d'observation.  
18. Inspection du travail
Le gouvernement est autorisé à prendre dans les neufs mois suivant la promulgation de la loi Macron des mesures par ordonnance visant à "renforcer le rôle de surveillance et les prérogatives du système d'inspection du travail, étendre et coordonner les différents modes de sanction, et, en matière de santé et de sécurité au travail, réviser l'échelle des peines".  
19. Relations entre partenaires commerciaux
·         Contrats liant un commerçant à un réseau. L'ensemble des contrats conclus entre un exploitant et un réseau (exemple : approvisionnement , électricité...) , et qui comportent des clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice de l'exploitant, doivent désormais prévoir une échéance commune. La distribution sélective est exempte de ce dispositif.
·         Pratiques abusives entre partenaires commerciaux. L'amende civile peut désormais aller jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires réalisé en France par l'auteur des pratiques incriminées. Toutefois, elle peut toujours être portée au triple du montant des sommes indûment versées.
20. PEA-PME
Les épargnants réorientant dans un délai d'un mois leur épargne d'un compte-titres ordinaire vers un PEA-PME, ceci entre le 1er juin 2015 et le 31 mai 2016, vont bénéficier d'un abattement exceptionnel sur la plus-value de la cession de leurs titres: de 50 % s'ils les détenaient depuis moins de quatre ans à la date de la cession, de 75% s'ils les possédaient depuis au moins quatre ans et moins de huit, et de 100% s'ils en disposaient depuis au moins 8 ans. Ils doivent s'engager à conserver les titres du PEA-PME pour au moins cinq ans.

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