Mis en lumière par la polémique
autour de la nomination controversée de Dominique Voynet, ce service
interministériel est aujourd'hui sous le feu des projecteurs avec la
démission d'Aquilino Morelle, qui aurait été au cœur d'un conflit
d'intérêts à l'époque où il y siégeait.
● Pourquoi parle-t-on de l'IGAS? L'IGAS (Inspection générale des affaires sociales) est au centre de deux polémiques récentes. La première concerne la nomination, mercredi dernier, de Dominique Voynet en qualité d'Inspectrice Générale des Affaires Sociales. Ex-ministre de Lionel Jospin, maire PS de Montreuil depuis 2008, elle avait refusé de se représenter aux municipales à la fin d'un mandat au bilan plus que contesté. Dès l'annonce de cette arrivée, le président de l'Assemblée Générale Claude Bartolone est sorti de ses gonds, en qualifiant cette nomination de «golden parachute» pour une femme qu'il estime coupable d'avoir laissé Montreuil «en ruines, et la gauche divisée comme jamais».
Par ailleurs, l'IGAS est au centre d'une autre controverse, celle qui entoure Aquilino Morelle, le proche conseiller de François Hollande qui a quitté ses fonctions aujourd'hui suite à des révélations embarrassantes. Une enquête menée par Mediapart évoque en effet de possibles conflits d'intérêts du temps où Aquilino Morelle travaillait à l'IGAS, tout en étant rémunéré en parallèle par un laboratoire danois, Lundbeck. Si une autorisation préalable du chef de service est nécessaire pour effectuer toute mission auprès d'une structure privée, l'IGAS ne recense aucune demande de ce type «au bénéfice de l'industrie pharmaceutique» de la part d'aucun membre «ces dernières années». L'information est d'autant plus relayée que la plume du président a notamment travaillé sur le très médiatique rapport du Mediator.
● Quel est le rôle de l'IGAS?
L'IGAS a été créé en 1967, résultant du regroupement des inspections générales qui interviennent dans la sphère sociale (santé-famille et sécurité sociale) et des inspecteurs généraux du travail. Il sert au contrôle, à l'audit et à l'évaluation des politiques sociales. Il s'agit donc, à l'instar du Conseil d'Etat, de la Cour des Comptes et de l'Inspection Générale des finances, d'un grand corps administratif de l'Etat.
● Quel type de missions effectue-t-elle?
Des missions de contrôle des institutions, d'enquête générale et d'évaluation des politiques, ou encore de conseil auprès des cabinets ministériels. Les domaines supervisés par l'IGAS sont nombreux. Sur son site, on peut, par exemple, trouver un rapport sur «les freins non financiers au développement de l'apprentissage», un «rapport sur le tiers payant pour les consultations de médecine en ville», ou encore un autre sur «l'affectation et mobilité des fonctionnaires sur le territoire». Parmi les faits notables, des rapports de l'IGAS ont, entre autres, impulsé le rapprochement des guichets ANPE/ASSEDIC, qui a conduit à la création de Pôle Emploi, ou encore l'interdiction du tabac dans les lieux publics. L'IGAS intervient régulièrement dans le cadre de missions conjointes, notamment avec l'Inspection générale des finances.
● A quelle échelle?
L'IGAS est à l'origine de 220 à 230 documents et rapports chaque année. Tous ne sont pas rendus publics. Remis aux ministres et à leurs commanditaires, ils sont communicables «sous réserve des données protégées par la loi», comme le secret industriel et commercial, le secret médical ou encore le secret de la vie privée. Les ministres peuvent ensuite autoriser leur diffusion sur le site de la Documentation française.
● Qui compose l'IGAS?
Elle réunit 130 experts de la Cohésion sociale (Famille, Protection de l'enfance, Lutte contre l'exclusion, Travail social…), de la Protection sociale (Sécurité Sociale, Prestations sociales....), du Travail, emploi, formation professionnelle, et de la Santé. Si les membres viennent de domaines professionnels divers (des médecins, des directeurs d'hôpitaux, des anciens directeurs d'administration centrale…), on y retrouve néanmoins une majorité d'énarques, et de nombreuses figures politiques connues, comme François Chérèque, ex-secrétaire général de la CFDT, Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la Politique de la Ville du deuxième gouvernement Fillon et présidente de l'association «ni putes ni soumises», ou encore François Chieze, ancien directeur de cabinet de Nadine Morano.
● Qui peut faire appel à l'IGAS?
En tant que service interministériel, et recouvrant des champs très larges, l'IGAS peut être dépêchée par n'importe quel ministre, ce qui constitue environ deux tiers de ses missions. Le dernier tiers est inscrit par l'IGAS à son programme de travail et approuvé par les ministres.
● Comment sont effectuées les missions?
Deux à quatre personnes, aux profils «complémentaires», mènent une enquête d'une durée comprise entre un et quatre mois, avec une obligation de terrain et de rencontres (d'une cinquantaine à 150). Une dizaine de personnes, appelées Copairs, accompagnent cette équipe tout au long de la mission, dont les résultats sont ensuite apportées au «relecteur-référent», qui apporte ses conseils. Le tout est envoyé aux organismes concernés, dont les réponses sont ensuite intégrées dans le rapport définitif.
● Comment l'IGAS préserve-t-elle l'indépendance de ses membres?
L'IGAS a le droit d'intervenir librement auprès de tous les organismes entrant dans son champ d'intervention, et peut disposer de leurs logiciels et données informatisées. L'entrave à un contrôle de l'IGAS peut être condamnée. Ni les instances collégiales de l'inspection, ni le chef de service ne peuvent par ailleurs imposer une modification des conclusions des rapports qui leur sont soumis.
Concernant l'indépendance des inspecteurs, le chef de service doit vérifier qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre les fonctions antérieures du membre et l'objet de la mission à laquelle il est affecté. Depuis 2011, ces activités sont, en outre, examinées une fois par an. Les activités accessoires (expertise, enseignement, consultation, formation) sont autorisées sous conditions d'autorisation du chef de service. Mais la seule demande d'Aquilino Morelle concernait une activité d'enseignement à l'Université Panthéon-Sorbonne.
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