Claudy Lebreton : Le Premier ministre croit en la capacité de son gouvernement de réformer le pays et il confirme la politique de l'offre déjà décidée par le Président de la République. Mais si cette politique est économiquement compréhensible, je ne pense pas qu'elle soit socialement admissible. La question de la justice sociale n'y est pas. Or cette politique doit se faire à due concurrence de l'effort de chacun en fonction de ses revenus. Cela n'apparaît pas, Le Big Bang territorial annoncé n'a pas été pour moi le point essentiel du discours. De toute façon, ce n'est pas une réforme institutionnelle qui va donner au pays la force de porter un projet économique et social. Une réforme institutionnelle est un outil au service d'un projet de développement, un moyen de mobiliser la sphère publique autour d'un projet
Et vous ne voyez pas de projet ?
Non. Aucun projet politique ne sous tend ce Big Bang territorial. Où est l'approche politique ? Que veulent le Président et le Premier ministre ? Plus de démocratie ? Mieux armer les collectivités dans le développement économique et les politiques de l'emploi ? Ont-ils compris que l'Etat ne fait pas bien certaines choses parce ce qu'il est obèse, emprunté, non réactif ? Que la souplesse, la réactivité, l'efficience seraient plutôt du côté des collectivités, et qu'il faillait en profiter pour leur donner encore plus de responsabilités ? Dans la santé, l'enseignement supérieur, la politique de l'emploi? Non. Ce Big Bang n'est porté que par les seules demandes des grandes institutions financières et technocratiques européennes. « Faites des économies, diminuez la dépense publique », c'est cela le viatique, le seul mobile. Or ceux qui vont s'en sortir, ce sont les pays les plus éduqués et les plus innovants. Or la on est dans une vision du passé, ou les seuls enjeux sont la finance, les grands groupes industriels, et l'augmentation de la consommation.
Cette absence de projet politique est elle due au fait que le gouvernement a anticipé que toutes les élections étaient perdues dans les deux ans qui viennent, qu'il ne veut pas changer et qu'il lui faut un leurre avec cette suppression du millefeuille ?
Le millefeuilles, on en fait manger aux Français tous les jours depuis des mois, depuis des années. A force d'en parler, il est rentré dans la tête des gens. Or que fait le Président de la république dans sa conférence du 14 janvier ? Il accrédite la thèse. Il la nourrit en disant qu'il a entendu les Français, qu'il va donner un coup de pied dans la fourmilière, en divisant les Régions par deux, en supprimant les départements dans les Métropoles. Il a été maire de Tulle, président du conseil général et il a failli être président de la Région ; comme François Mitterrand et Jacques Chirac il a été chercher un siège qui lui a donné une identité, de la terre à ses godasses. Mais là il donne un grand coup de barre du côté de l'Etat et de la recentralisation. Il dit qu'il va supprimer les conseils départementaux en 2021 mais, comme par hasard sur le même territoire, il maintient l'organisation de l'Etat, les préfectures comme les sous préfectures. La seule collectivité qui intervenait à coté de l'Etat est supprimée. C'est une politique jacobine.
Le quinquennat de François Hollande ne va-t-il pas être, paradoxalement, celui de la fin de ce que l'on appelé le socialisme municipal ? Il risque en effet de perdre très lourdement toutes les élections intermédiaires et le Sénat.
J'ai toujours été partisan de faire des élections de mi mandat avec un vote global pour toutes les collectivités. Si on l'avait fait en mars lors des municipales, la très grande majorité des départements seraient passés à droite ainsi que toutes les Régions. Mais les élus socialistes n'ont été battus ni sur leur bilan ni sur leur projet, ils ont perdu sur la politique nationale. Regardez Christophe Sirugue, il a été président du conseil général de Saône et Loire, il est député, il a été un brillant maire de Chalon sur Saône, il est jeune, il travaille comme un fou, debout à 6 heures du matin tous les jours. Il a été balayé au 1er tour! Même pas 35% ! Vous croyez qu'il a été battu sur sa personne ? Sur sa politique? Non. Les candidats socialistes ont couru un 400m avec 30 mètres de handicap et du plomb aux pieds. Le plomb aux pieds c'est la politique de l'Etat, l'impopularité du président. François Hollande est persuadé que la politique de l'offre aura des résultats en 2015 ou 2016. C'est un pari qu'il fait. Il est convaincu que c'est le meilleur choix, mais ça passe ou ça casse… Il pense peut-être enjamber les élections municipales et les suivantes, perdre une armée d'élus, et en trouver une nouvelle pour les élections locales de 2020 et 2021 après qu'il ait gagné en 2017….
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