vendredi 18 avril 2014

Climat : les raisons de croire à un accord mondial en 2015

A vingt mois de la Conférence de Paris sur le climat, la publication du rapport du Giec constitue une opportune piqûre de rappel sur la nécessité d'agir. Et fournit aux Etats une feuille de route bien utile pour préparer ce rendez-vous crucial.

Pinel pour « Les Echos »
Pinel pour « Les Echos »
C'est un redoutable défi qui vient d'être identifié par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) dans son 5e rapport. La hausse de la température du globe n'a plus qu'une mince chance d'être contenue sous la barre des 2° C d'ici à la fin du siècle. Y parvenir impose absolument de réduire de 40 à 70 % d'ici à 2050 les émissions de gaz à effet de serre (GES) au regard de ce qu'elles étaient en 2010, puis de les effacer presque totalement, selon les scientifiques mandatés par l'ONU.
On imagine la mobilisation sans précédent dont va devoir faire preuve la communauté internationale. On mesure aussi la tâche qui attend la diplomatie française, qui ambitionne de marquer l'histoire des négociations climatiques. C'est en effet à Paris que doit être trouvé en décembre 2015, dans le cadre de la 21e Conférence des Nations unies sur le climat, un nouvel accord international censé mettre cette fois à contribution tous les pays du monde, et plus seulement les plus développés, à partir de 2020.
A vingt mois de cette grand-messe planétaire, la publication du rapport du Giec constitue une opportune piqûre de rappel sur la nécessité d'agir. Ce document est aussi un précieux thermomètre pour mesurer le degré de coopération que les Etats sont prêts à atteindre. Cette volonté - ou ce défaut de volonté - se reflète dans le « Résumé pour les décideurs » annexé à chaque rapport du Giec. Dimanche dernier, à Berlin, au terme d'une nuit blanche d'affrontements, ce document d'une vingtaine de pages a été signé à l'unanimité des délégations gouvernementales. Ce qui en fait a priori une base solide pour les négociations à venir.
De fait, les précédents rapports du Giec ont presque tous laissé une marque, que ce soit pour bâtir la Convention mondiale sur le climat de Rio de 1992 ou le protocole de Kyoto, conclu en 1997. La seule exception, mais de taille, est la conférence de Copenhague de 2007 qui a viré au fiasco envers et contre tous les espoirs placés en elle deux ans après la publication de la quatrième livraison du Giec.
Qu'en sera-t-il l'an prochain dans la capitale française ? Pas question de revivre « l'effet gueule de bois » du sommet danois, auquel 120 chefs d'Etat et de gouvernement, parmi les plus grands, avaient participé sans rien conclure, laissant derrière eux un océan de désillusions. « Commençons d'abord par dire ce qu'il n'y aura pas à Paris, à savoir un accord de type "top down", où les Etats s'engagent sur des chiffres de réduction d'émissions de carbone », prévient Benoît Leguet, le directeur de CDC Climat Recherche. Déjà, la terminologie a changé : exit le mot « engagements », place aux « contributions ». Celles que les Etats doivent remettre à l'ONU au premier trimestre 2015. Ce calendrier de négociations est une des rares avancées de la dernière conférence sur le climat, en novembre 2013 à Varsovie. Grâce à lui, les cartes de chaque pays seront connues d'entrée de jeu à Paris. De quoi, a priori, éviter bien des manoeuvres et des alliances contre nature de dernière minute, porteuses du germe de l'échec.
Les contributions attendues seront chiffrées, mais selon des critères propres à chaque Etat. L'Union européenne va continuer de raisonner en valeur absolue. Ses 28 Etats membres devraient s'entendre, en octobre prochain, sur une baisse de 40 % de leurs émissions de C02 d'ici à 2030. Mais les autres pays pourront relativiser leurs objectifs de réduction. Que ce soit par rapport à leur PIB, à leur population ou à un scénario futur de développement, comme la Chine ou l'Inde l'ont fait par le passé. Les pays en développement, pour ne citer qu'eux, ne veulent pas se laisser enfermer dans un carcan qui obérerait leur croissance. Ces manifestations d'indépendance se sont faites sentir à Berlin où le projet de classer les pays selon divers critères (niveaux de revenu, d'émissions) a fait chou blanc. Beaucoup de pays ont craint d'être entraînés dans une mécanique d'engagements dont ils ne pourraient plus sortir. Mais à laisser les uns et les autres fixer leurs propres contraintes, la conférence de Paris risque d'accoucher d'un accord peu ambitieux. « Tous les scénarios sont toujours bons à prendre. L'accord de 2015 ne portera pas sur la réduction des émissions mais sur la maîtrise de leur augmentation, ce qui implique avant tout que tous les pays mesurent et fassent vérifier ces émissions », objecte Benoît Leguet.
Il n'y a pas que ce cadre de négociations consensuel pour rendre les experts assez optimistes. « Les grands pays sont plus ouverts à un accord international », estime Thomas Spencer. Le directeur du programme climat à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) observe du côté de la Chine « une volonté affichée de tourner son économie vers la satisfaction de la consommation intérieure et de moins privilégier l'exportation. Ce qui signifie moins d'industrie lourde et d'émissions de carbone. » Quant aux Etats-Unis, le calendrier fixé par l'ONU offre une très opportune fenêtre de tir, entre les élections à mi-mandat et la présidentielle.
Le succès de la Conférence Paris Climat dépendra d'autres types d'engagements. Notamment celui de soumettre à une évaluation normée les moyens de réduction mis en oeuvre. Un chantier extrêmement difficile à mener car il touche à la souveraineté des pays concernés. La conférence de Paris ne sera, de ce point de vue, qu'une étape. Mais une étape qu'il ne faut pas manquer.
Joël Cossardeaux
Journaliste au service France des « Echos »

Les points à retenir
La 21Conférence des Nations unies sur le climat, qui doit se tenir en décembre 2015 à Paris, est censée accoucher d'un nouvel accord international.
Il mettrait à contribution tous les pays du monde, et plus seulement les plus développés, à partir de 2020, pour enclencher une baisse significative des gaz à effet de serre.
Le calendrier des négociations et la méthodologie retenue, plutôt consensuelle, rendent les experts raisonnablement optimistes.

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