A vingt mois de la Conférence de Paris sur le climat, la publication du rapport du Giec constitue une opportune piqûre de rappel sur la nécessité d'agir. Et fournit aux Etats une feuille de route bien utile pour préparer ce rendez-vous crucial.
C'est
un redoutable défi qui vient d'être identifié par le Groupe d'experts
intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) dans son 5e rapport.
La hausse de la température du globe n'a plus qu'une mince chance
d'être contenue sous la barre des 2° C d'ici à la fin du siècle. Y
parvenir impose absolument de réduire de 40 à 70 % d'ici à 2050 les
émissions de gaz à effet de serre (GES) au regard de ce qu'elles étaient
en 2010, puis de les effacer presque totalement, selon les
scientifiques mandatés par l'ONU.
On
imagine la mobilisation sans précédent dont va devoir faire preuve la
communauté internationale. On mesure aussi la tâche qui attend la
diplomatie française, qui ambitionne de marquer l'histoire des
négociations climatiques. C'est en effet à Paris que doit être trouvé en
décembre 2015, dans le cadre de la 21e Conférence des
Nations unies sur le climat, un nouvel accord international censé mettre
cette fois à contribution tous les pays du monde, et plus seulement les
plus développés, à partir de 2020.
A
vingt mois de cette grand-messe planétaire, la publication du rapport
du Giec constitue une opportune piqûre de rappel sur la nécessité
d'agir. Ce document est aussi un précieux thermomètre pour mesurer le
degré de coopération que les Etats sont prêts à atteindre. Cette volonté
- ou ce défaut de volonté - se reflète dans le « Résumé pour les
décideurs » annexé à chaque rapport du Giec. Dimanche dernier, à Berlin,
au terme d'une nuit blanche d'affrontements, ce document d'une
vingtaine de pages a été signé à l'unanimité des délégations
gouvernementales. Ce qui en fait a priori une base solide pour les
négociations à venir.
De fait,
les précédents rapports du Giec ont presque tous laissé une marque, que
ce soit pour bâtir la Convention mondiale sur le climat de Rio de 1992
ou le protocole de Kyoto, conclu en 1997. La seule exception, mais de
taille, est la conférence de Copenhague de 2007 qui a viré au fiasco
envers et contre tous les espoirs placés en elle deux ans après la
publication de la quatrième livraison du Giec.
Qu'en
sera-t-il l'an prochain dans la capitale française ? Pas question de
revivre « l'effet gueule de bois » du sommet danois, auquel 120 chefs
d'Etat et de gouvernement, parmi les plus grands, avaient participé sans
rien conclure, laissant derrière eux un océan de désillusions. « Commençons d'abord par dire ce qu'il n'y aura pas à Paris, à savoir un accord de type "top down", où les Etats s'engagent sur des chiffres de réduction d'émissions de carbone »,
prévient Benoît Leguet, le directeur de CDC Climat Recherche. Déjà, la
terminologie a changé : exit le mot « engagements », place aux
« contributions ». Celles que les Etats doivent remettre à l'ONU au
premier trimestre 2015. Ce calendrier de négociations est une des rares
avancées de la dernière conférence sur le climat, en novembre 2013 à
Varsovie. Grâce à lui, les cartes de chaque pays seront connues d'entrée
de jeu à Paris. De quoi, a priori, éviter bien des manoeuvres et des
alliances contre nature de dernière minute, porteuses du germe de
l'échec.
Les contributions
attendues seront chiffrées, mais selon des critères propres à chaque
Etat. L'Union européenne va continuer de raisonner en valeur absolue.
Ses 28 Etats membres devraient s'entendre, en octobre prochain, sur une
baisse de 40 % de leurs émissions de C02 d'ici à 2030. Mais
les autres pays pourront relativiser leurs objectifs de réduction. Que
ce soit par rapport à leur PIB, à leur population ou à un scénario futur
de développement, comme la Chine ou l'Inde l'ont fait par le passé. Les
pays en développement, pour ne citer qu'eux, ne veulent pas se laisser
enfermer dans un carcan qui obérerait leur croissance. Ces
manifestations d'indépendance se sont faites sentir à Berlin où le
projet de classer les pays selon divers critères (niveaux de revenu,
d'émissions) a fait chou blanc. Beaucoup de pays ont craint d'être
entraînés dans une mécanique d'engagements dont ils ne pourraient plus
sortir. Mais à laisser les uns et les autres fixer leurs propres
contraintes, la conférence de Paris risque d'accoucher d'un accord peu
ambitieux. « Tous les scénarios sont toujours bons à prendre.
L'accord de 2015 ne portera pas sur la réduction des émissions mais sur
la maîtrise de leur augmentation, ce qui implique avant tout que tous
les pays mesurent et fassent vérifier ces émissions », objecte Benoît Leguet.
Il n'y a pas que ce cadre de négociations consensuel pour rendre les experts assez optimistes. « Les grands pays sont plus ouverts à un accord international »,
estime Thomas Spencer. Le directeur du programme climat à l'Institut du
développement durable et des relations internationales (Iddri) observe
du côté de la Chine « une volonté affichée de tourner son économie
vers la satisfaction de la consommation intérieure et de moins
privilégier l'exportation. Ce qui signifie moins d'industrie lourde et
d'émissions de carbone. » Quant aux Etats-Unis, le calendrier fixé par
l'ONU offre une très opportune fenêtre de tir, entre les élections à
mi-mandat et la présidentielle.
Le succès de la Conférence
Paris Climat dépendra d'autres types d'engagements. Notamment celui de
soumettre à une évaluation normée les moyens de réduction mis en oeuvre.
Un chantier extrêmement difficile à mener car il touche à la
souveraineté des pays concernés. La conférence de Paris ne sera, de ce
point de vue, qu'une étape. Mais une étape qu'il ne faut pas manquer.
Joël Cossardeaux
Journaliste au service France des « Echos »
Les points à retenir
La 21e Conférence
des Nations unies sur le climat, qui doit se tenir en décembre 2015 à
Paris, est censée accoucher d'un nouvel accord international.
Il mettrait à contribution tous les pays du monde, et plus seulement les plus développés, à partir de 2020, pour enclencher une baisse significative des gaz à effet de serre.
Le calendrier des négociations et la méthodologie retenue, plutôt consensuelle, rendent les experts raisonnablement optimistes.
Il mettrait à contribution tous les pays du monde, et plus seulement les plus développés, à partir de 2020, pour enclencher une baisse significative des gaz à effet de serre.
Le calendrier des négociations et la méthodologie retenue, plutôt consensuelle, rendent les experts raisonnablement optimistes.
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