vendredi 18 avril 2014

Pascal Demurger (Directeur de la Maif) : Pourquoi la Maif envisage de quitter l’alliance Sferen

Depuis une semaine et une indiscrétion parue dans « La Lettre de l’assurance », les spéculations vont bon train sur le devenir de Sferen, le pôle mutualiste formé en 2009 par la Maif, la Macif et la Matmut. Pascal Demurger, le directeur de la Maif, confirme aux « Echos » que son groupe étudie une possible sortie de cette société de groupe d’assurance mutuelle (SGAM).

Pascal Demurger, le directeur de la Maif, confirme aux « Echos » que son groupe étudie une possible sortie de Sferen, le pôle mutualiste formé en 2009 par la Maif, la Macif et la Matmut, de groupe d’assurance mutuelle (SGAM). AFP PHOTO ERIC PIERMONT - AFP
Pascal Demurger, le directeur de la Maif, confirme aux « Echos » que son groupe étudie une possible sortie de Sferen, le pôle mutualiste formé en 2009 par la Maif, la Macif et la Matmut, de groupe d’assurance mutuelle (SGAM). AFP PHOTO ERIC PIERMONT - AFP

La Maif va-t-elle quitter Sferen ?

La décision de sortir de la SGAM n’est pas encore officiellement prise, mais elle est clairement à l’étude.

Quelles raisons vous ont poussé à envisager cette issue ?

L’intention annoncée à la création de Sferen était d’avoir une SGAM qui fonctionne sur un modèle fédérateur dans le respect de la souveraineté des trois mutuelles, et non pas intégrateur. Nous étions donc sur une logique de coopération. Mais aujourd’hui, nous sommes rattrapés par la transposition des nouvelles normes prudentielles de Solvabilité II en droit français. Ce qu’on comprend de nos échanges avec l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), c’est qu’il y aura une lecture consistant à considérer les SGAM comme des groupes. A partir de là, on voit bien que la trajectoire de Sferen sera complètement différente. Elle devra se transformer en un véritable groupe intégré avec une gouvernance largement commune, des fonctions clefs communes, une stratégie commune, ainsi qu’une solidarité financière revue à l’aune de Solvabilité II et largement renforcée. A partir de là, il reste le choix d’accepter cette évolution des règles du jeu ou de rester fidèle à l’intention de départ et, donc, de se retirer du jeu.

Vos craintes se situent-elles au niveau de la perte de souveraineté ou sur le plan financier ?

J’ai récemment rappelé à l’occasion des 80 ans de la Maif mon attachement à son identité et à la nécessité de se différencier. Nous ne sommes pas acculés à entrer dans une logique d’intégration ou dans une stratégie de massification qui consisterait à tirer sur les coûts au maximum au risque d’avoir une proposition de valeur moins riche pour le sociétaire. Nous ne voulons pas aller au-delà de coopérations. Notre situation financière et nos fonds propres nous offrent ce luxe. Vous le verrez dans nos résultats 2013, ils sont encore meilleurs que ceux de 2012. Et nous sortons d’un plan de transformation du groupe qui donne des résultats extrêmement prometteurs.

Quand devez-vous donner une réponse officielle à vos deux partenaires ?

D’ici le mois de juin. Il faudra recueillir la décision officielle du conseil d’administration, l’avis du comité d’entreprise et convoquer une assemblée générale extraordinaire. Mais nous voulons qu’ils soient fixés rapidement, car il va y avoir une vraie course contre la montre pour rendre la SGAM compatible à Solvabilité II d’ici au 1er janvier 2016.

Est-on à un tournant dans l’histoire de la Maif ?

Ce n’est pas un changement de cap ni une rupture. Nous ne faisons que rester fidèle à notre intention initiale. Il faut le voir plutôt comme un renforcement de notre trajectoire.

Une mutuelle de votre taille peut-elle rester durablement seule dans un secteur en pleine recomposition ?

Oui, si l’on a une proposition qui se différencie. Le marché va être de plus en plus en bipolarisé. Une partie des assurés iront chercher systématiquement le tarif le plus bas, avec un comportement de zapping permanent. Et ces comportements sont encouragés par les comparateurs et la loi Hamon [qui va permettre à un assuré de changer son contrat à tout moment au bout de douze mois d’engagement, NDLR]. Mais il y a aussi des consommateurs qui attachent davantage de prix à une relation de confiance. Cela laisse donc de la place aux acteurs comme la Maif qui ont une capacité à proposer des offres et une expérience client différentes. Il faudra encore plus jouer sur la qualité du service et du règlement des sinistres, sur l’équipement et la fidélisation du portefeuille. Cela va d’ailleurs être un volet important du nouveau plan stratégique que nous préparons actuellement. Nous devrons aussi continuer à nous diversifier.

Mais un départ de Sferen ne risque-t-il pas de refroidir d’éventuels autres partenaires ?

Bien au contraire. Nous faisons là la preuve de notre constance. Nos partenaires futurs verront ainsi nos principes et sauront jusqu’où nous sommes prêts à aller. Il n’y a qu’à voir notre partenariat avec la MGEN, dont nous distribuons l’assurance-santé et qui vend de son côté notre produit de prévoyance. Nous sommes sur un schéma de coopération opérationnelle qui fonctionne parfaitement.

Sferen donne l’impression de fonctionner a minima...

Pas du tout. Nous avons mené ensemble des projets communs sur les achats hors assurance, les achats de couverture de réassurance ou la constitution d’un réseau d’experts et de garagistes agréés. Cela nous permet d’économiser plusieurs millions d’euros pas an, ce qui n’est pas négligeable. Et si la Maif se retire de Sferen, il n’y aura aucun impact sur l’existant. Cela ne changera rien pour Sferen Reparation ou nos programmes de réassurance. Et je veux souligner que nous ne partirions pas en mauvais termes avec la Macif et la Matmut. On peut même tout à fait envisager de travailler avec eux sur d’autres sujets.

Vous deviez justement reprendre l’activité d’assurance-vie de la Matmut, mais ce projet a été arrêté...

Il ne faut pas en tirer des conclusions trop générales. Simplement, ce dossier s’est avéré plus compliqué que prévu au niveau opérationnel, et les deux parties l’ont reconnu. Il y avait en particulier des investissements assez significatifs à faire pour un portefeuille de petite taille.
Laurent Thévenin

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