C'est l'autre casse-tête du chômage. Fin février, la France
comptait 761.400 chômeurs seniors contre 537.700 de moins de 25 ans.
Alors que François Hollande a fait de l'emploi des jeunes sa priorité,
c'est à l'autre extrême de la pyramide que la situation se tend. Sans
vraie solution pour l'instant.
Boll pour « Les Echos »
Les emplois d'avenir ? Réservés aux moins de 26 ans. Le contrat de génération ? Une prime à l'embauche des jeunes qui ne dit pas son nom. La courbe du chômage ne s'est pas inversée ? « Celle des jeunes, si », rétorque le gouvernement. François Hollande a fait des jeunes l'alpha et l'oméga de sa politique de l'emploi. « Je ne veux être jugé que sur un seul objectif : les jeunes vivront-ils mieux en 2017 qu'en 2012 »,, martelait-il déjà durant la campagne. Un choix revendiqué et dicté par une urgence : avec un taux de chômage des moins de 25 ans dépassant les 20 % de longue date, difficile de ne pas en faire une priorité.
Mais, pendant que l'exécutif s'évertue à limiter la casse au bas de la pyramide des âges, la situation s'aggrave à son sommet sans qu'aucune réponse d'ampleur ne soit apportée. Bien sûr, le taux de chômage des plus de 50 ans, à 6,4 % « seulement », a encore de quoi faire des envieux. Mais il ne doit pas occulter une autre réalité : en 2013, le nombre de chômeurs seniors a bondi de 80.000… soit près de la moitié de la hausse globale du chômage (+ 175.000). En cinq ans, leur nombre a plus que doublé, sous l'effet de la crise, mais aussi de la fin des dispenses de recherche d'emploi des plus de 57 ans, qui sont ainsi « revenus » dans les statistiques. Pôle emploi comptait fin février 761.400 chômeurs seniors… contre 537.700 de moins de 25 ans
Que faire ? La politique d'emploi des seniors bâtie depuis une décennie par la droite et en s'inspirant des pays nordiques se concentre sur leur maintien dans l'emploi. L'extinction des préretraites publiques, la lutte accrue contre la pénibilité et les réformes des retraites ont de fait constitué autant d'incitations salutaires à prolonger l'activité. « La meilleure politique d'emploi des seniors, c'est de reculer l'âge de la retraite. On l'a vu en France comme dans tous les autres pays », insiste Bertrand Martinot, économiste et ex-directeur général de l'emploi et de la formation de 2008 à 2012. Cette priorité au maintien se retrouve aussi dans les accords seniors, obligatoires depuis 2009 : les employeurs y jouent le jeu pour prolonger l'activité (préparation en amont des fins de carrière, adaptation des postes, des horaires, etc.), mais ne s'engagent pas sur des recrutements.
Les résultats ont effectivement suivi, avec un net redressement du taux d'emploi des seniors, même si la France, partie de loin, demeure sous la moyenne des pays de l'OCDE. Le gouvernement socialiste s'est jusqu'ici contenté de mollement prolonger cette logique, en allongeant la durée de cotisation pour une retraite à taux plein et en liant dans le contrat de génération les primes à l'embauche d'un jeune au maintien dans l'emploi d'un senior érigé en tuteur. La forte progression du chômage des seniors pointe pourtant que ce service minimum ne saurait plus suffire.
Tout d'abord car la culture du départ anticipé a la vie dure. Via les ruptures conventionnelles et les plans de départ volontaires, nombre d'employeurs s'accordent avec leurs seniors pour les envoyer attendre la retraite à la maison aux frais de Pôle emploi. En France, « la période de chômage est encore trop souvent considérée comme une préretraite déguisée par les travailleurs, les employeurs et la société », déplorait en janvier un rapport de l'OFCE.
Surtout, comme l'a résumé auprès de l'AFP Jean-Christophe Sciberras, président de l'Association nationale des DRH, « le vrai problème aujourd'hui, ce n'est pas le maintien dans l'emploi des seniors, mais leur embauche ». Souvent plus chers, jugés moins adaptables et corvéables, voire moins efficaces, que les 30-40 ans, ils peinent particulièrement, s'ils perdent leur emploi, à en retrouver un : le taux de retours à l'emploi des seniors est deux fois inférieur à celui des autres et cet écart va croissant. Conséquence, ils alimentent le fléau social et le gouffre financier du chômage de longue durée, en plein boom : 60 % des seniors au chômage le sont depuis plus d'un an, contre 40 % des 25-49 ans.
Dans ce contexte, « la question du retour à l'emploi des seniors devient un enjeu qui, déjà présent, ne peut que prendre une importance croissante, notamment avec le recul de l'âge de la retraite », prévient un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) remis cet été. Le désormais ex-ministre du Travail, Michel Sapin, l'a reconnu en début d'année : il faut désormais « centrer une partie des efforts sur les seniors », a-t-il estimé, évoquant l'allocation des contrats aidés et les contreparties attendues aux futures baisses de charges dans le cadre du pacte de responsabilité.
D'autres pistes existent pour nourrir la réflexion du nouveau ministre, François Rebsamen. Lors de la campagne présidentielle 2012, Nicolas Sarkozy promettait d'exonérer de charges les embauches de plus de 55 ans en CDI ou CDD de plus de six mois. Objectif : rendre l'investissement qu'est une embauche rentable, même si, par définition, le senior ne restera que quelques années. Dans son rapport de fin janvier, l'OFCE appelait la France à changer de paradigme en réduisant la durée d'indemnisation des chômeurs seniors (trente-six mois, contre vingt-quatre pour les autres) afin d'utiliser les économies générées pour doper les aides au retour à l'emploi. Autre piste : tenter de relancer ou de réinventer le CDD senior. Ce contrat plus souple qu'un CDD classique, a été créé en 2006 pour faciliter l'embauche des plus de 57 ans, mais n'a jamais décollé.
Mi-août 2013, en déplacement à La Roche-sur-Yon, François Hollande était interpellé, sous l'oeil des médias, par une chômeuse de cinquante-deux ans. Il était resté à court de réponse. Un symbole.
Derek Perrotte
Journaliste au service France des « Echos »
Boll pour « Les Echos »
Les emplois d'avenir ? Réservés aux moins de 26 ans. Le contrat de génération ? Une prime à l'embauche des jeunes qui ne dit pas son nom. La courbe du chômage ne s'est pas inversée ? « Celle des jeunes, si », rétorque le gouvernement. François Hollande a fait des jeunes l'alpha et l'oméga de sa politique de l'emploi. « Je ne veux être jugé que sur un seul objectif : les jeunes vivront-ils mieux en 2017 qu'en 2012 »,, martelait-il déjà durant la campagne. Un choix revendiqué et dicté par une urgence : avec un taux de chômage des moins de 25 ans dépassant les 20 % de longue date, difficile de ne pas en faire une priorité.
Mais, pendant que l'exécutif s'évertue à limiter la casse au bas de la pyramide des âges, la situation s'aggrave à son sommet sans qu'aucune réponse d'ampleur ne soit apportée. Bien sûr, le taux de chômage des plus de 50 ans, à 6,4 % « seulement », a encore de quoi faire des envieux. Mais il ne doit pas occulter une autre réalité : en 2013, le nombre de chômeurs seniors a bondi de 80.000… soit près de la moitié de la hausse globale du chômage (+ 175.000). En cinq ans, leur nombre a plus que doublé, sous l'effet de la crise, mais aussi de la fin des dispenses de recherche d'emploi des plus de 57 ans, qui sont ainsi « revenus » dans les statistiques. Pôle emploi comptait fin février 761.400 chômeurs seniors… contre 537.700 de moins de 25 ans
Que faire ? La politique d'emploi des seniors bâtie depuis une décennie par la droite et en s'inspirant des pays nordiques se concentre sur leur maintien dans l'emploi. L'extinction des préretraites publiques, la lutte accrue contre la pénibilité et les réformes des retraites ont de fait constitué autant d'incitations salutaires à prolonger l'activité. « La meilleure politique d'emploi des seniors, c'est de reculer l'âge de la retraite. On l'a vu en France comme dans tous les autres pays », insiste Bertrand Martinot, économiste et ex-directeur général de l'emploi et de la formation de 2008 à 2012. Cette priorité au maintien se retrouve aussi dans les accords seniors, obligatoires depuis 2009 : les employeurs y jouent le jeu pour prolonger l'activité (préparation en amont des fins de carrière, adaptation des postes, des horaires, etc.), mais ne s'engagent pas sur des recrutements.
Les résultats ont effectivement suivi, avec un net redressement du taux d'emploi des seniors, même si la France, partie de loin, demeure sous la moyenne des pays de l'OCDE. Le gouvernement socialiste s'est jusqu'ici contenté de mollement prolonger cette logique, en allongeant la durée de cotisation pour une retraite à taux plein et en liant dans le contrat de génération les primes à l'embauche d'un jeune au maintien dans l'emploi d'un senior érigé en tuteur. La forte progression du chômage des seniors pointe pourtant que ce service minimum ne saurait plus suffire.
Tout d'abord car la culture du départ anticipé a la vie dure. Via les ruptures conventionnelles et les plans de départ volontaires, nombre d'employeurs s'accordent avec leurs seniors pour les envoyer attendre la retraite à la maison aux frais de Pôle emploi. En France, « la période de chômage est encore trop souvent considérée comme une préretraite déguisée par les travailleurs, les employeurs et la société », déplorait en janvier un rapport de l'OFCE.
Surtout, comme l'a résumé auprès de l'AFP Jean-Christophe Sciberras, président de l'Association nationale des DRH, « le vrai problème aujourd'hui, ce n'est pas le maintien dans l'emploi des seniors, mais leur embauche ». Souvent plus chers, jugés moins adaptables et corvéables, voire moins efficaces, que les 30-40 ans, ils peinent particulièrement, s'ils perdent leur emploi, à en retrouver un : le taux de retours à l'emploi des seniors est deux fois inférieur à celui des autres et cet écart va croissant. Conséquence, ils alimentent le fléau social et le gouffre financier du chômage de longue durée, en plein boom : 60 % des seniors au chômage le sont depuis plus d'un an, contre 40 % des 25-49 ans.
Dans ce contexte, « la question du retour à l'emploi des seniors devient un enjeu qui, déjà présent, ne peut que prendre une importance croissante, notamment avec le recul de l'âge de la retraite », prévient un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) remis cet été. Le désormais ex-ministre du Travail, Michel Sapin, l'a reconnu en début d'année : il faut désormais « centrer une partie des efforts sur les seniors », a-t-il estimé, évoquant l'allocation des contrats aidés et les contreparties attendues aux futures baisses de charges dans le cadre du pacte de responsabilité.
D'autres pistes existent pour nourrir la réflexion du nouveau ministre, François Rebsamen. Lors de la campagne présidentielle 2012, Nicolas Sarkozy promettait d'exonérer de charges les embauches de plus de 55 ans en CDI ou CDD de plus de six mois. Objectif : rendre l'investissement qu'est une embauche rentable, même si, par définition, le senior ne restera que quelques années. Dans son rapport de fin janvier, l'OFCE appelait la France à changer de paradigme en réduisant la durée d'indemnisation des chômeurs seniors (trente-six mois, contre vingt-quatre pour les autres) afin d'utiliser les économies générées pour doper les aides au retour à l'emploi. Autre piste : tenter de relancer ou de réinventer le CDD senior. Ce contrat plus souple qu'un CDD classique, a été créé en 2006 pour faciliter l'embauche des plus de 57 ans, mais n'a jamais décollé.
Mi-août 2013, en déplacement à La Roche-sur-Yon, François Hollande était interpellé, sous l'oeil des médias, par une chômeuse de cinquante-deux ans. Il était resté à court de réponse. Un symbole.
Derek Perrotte
Journaliste au service France des « Echos »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire