INTERVIEW - Pour Dominique Roux,
professeur à l'Université Paris-Dauphine, Bouygues Telecom doit grossir
s'il veut perdurer. Le secteur des télécoms suppose en effet de lourds
investissements.
Pourquoi le secteur des télécoms est-il en train de se restructurer?
L'arrivée de Free comme quatrième opérateur a provoqué de profonds bouleversements. Pour se faire une place dans un marché où le nombre d'abonnés ne croît que très faiblement, Free a dû proposer des tarifs de 25% à 30% inférieurs à ceux de ses concurrents. Cette politique commerciale agressive a porté ses fruits: le nouvel opérateur a gagné 8 millions d'abonnés, mais pour l'essentiel au détriment de ses concurrents. Peur eux, c'est la double peine: non seulement ils ont perdu des clients, mais ils aussi dû baisser leurs prix pour éviter d'en perdre davantage. Résultat: leur chiffre d'affaires comme leurs marges ont fortement diminué.
Quelles conséquences cela a-t-il aujourd'hui?
C'est un problème car le secteur des télécoms exige de lourds investissements. Pour mettre au point une évolution technologique comme la 4G, ou déployer la fibre optique, les investissements se comptent en dizaine de milliards d'euros. Ce qui veut dire qu'il faut, pour un opérateur, disposer d'une taille critique. Il y a, comme dans le secteur aérien, une prime au plus gros. Aujourd'hui, Bouygues Telecom ne dispose pas de cette taille critique. L'opérateur a identifié le problème: il doit grossir s'il veut perdurer. Il a fait une première tentative, qui a échoué, avec SFR. Il pourrait maintenant vouloir s'unir avec Free, avec Orange… ou tout céder à une compagnie étrangère qui s'implanterait sur le marché français.
Estimez-vous, comme Arnaud Montebourg, que le secteur des télécoms en France est en ruine?
Absolument pas. La France est un des rares pays où tous les opérateurs sont français. Si le secteur avait été sinistré, des opérateurs étrangers y auraient trouvé leur place. Orange ou SFR sont par ailleurs très présents à l'étranger. Enfin, la somme déboursée par Numéricable pour acquérir SFR - 13,5 milliards d'euros - montre que le secteur reste attractif... Mais les opérateurs ont longtemps vécu dans l'opulence, avec des marges confortables parce que les prix pratiqués avant l'arrivée de Free étaient élevés. Leur gestion doit aujourd'hui être plus stricte. Cela dit, le secteur doit se restructurer et Bouygues Télécom en est le maillon faible.
Arnaud Montebourg a-t-il raison de plaider pour un retour du secteur à trois opérateurs?
Pourquoi trois? Avancer un chiffre ne me paraît pas pertinent. Ce qu'il faut, c'est un secteur concurrentiel où les opérateurs disposent d'une taille suffisante pour investir. Dès qu'il y a plus de deux opérateurs, il y a potentiellement de la concurrence: des prix tirés vers le bas, une meilleure qualité de service et une incitation à innover. Je dis bien potentiellement car cette concurrence n'est pas automatique. En témoigne l'amende de 534 millions d'euros dont ont définitivement écopé Orange, Bouygues et SFR en 2012 pour entente sur les prix... Un retour à trois opérateurs profiterait avant tout à Bouygues Telecom, qui continuera sans cela à décliner.
L'arrivée de Free comme quatrième opérateur a provoqué de profonds bouleversements. Pour se faire une place dans un marché où le nombre d'abonnés ne croît que très faiblement, Free a dû proposer des tarifs de 25% à 30% inférieurs à ceux de ses concurrents. Cette politique commerciale agressive a porté ses fruits: le nouvel opérateur a gagné 8 millions d'abonnés, mais pour l'essentiel au détriment de ses concurrents. Peur eux, c'est la double peine: non seulement ils ont perdu des clients, mais ils aussi dû baisser leurs prix pour éviter d'en perdre davantage. Résultat: leur chiffre d'affaires comme leurs marges ont fortement diminué.
Quelles conséquences cela a-t-il aujourd'hui?
C'est un problème car le secteur des télécoms exige de lourds investissements. Pour mettre au point une évolution technologique comme la 4G, ou déployer la fibre optique, les investissements se comptent en dizaine de milliards d'euros. Ce qui veut dire qu'il faut, pour un opérateur, disposer d'une taille critique. Il y a, comme dans le secteur aérien, une prime au plus gros. Aujourd'hui, Bouygues Telecom ne dispose pas de cette taille critique. L'opérateur a identifié le problème: il doit grossir s'il veut perdurer. Il a fait une première tentative, qui a échoué, avec SFR. Il pourrait maintenant vouloir s'unir avec Free, avec Orange… ou tout céder à une compagnie étrangère qui s'implanterait sur le marché français.
Estimez-vous, comme Arnaud Montebourg, que le secteur des télécoms en France est en ruine?
Absolument pas. La France est un des rares pays où tous les opérateurs sont français. Si le secteur avait été sinistré, des opérateurs étrangers y auraient trouvé leur place. Orange ou SFR sont par ailleurs très présents à l'étranger. Enfin, la somme déboursée par Numéricable pour acquérir SFR - 13,5 milliards d'euros - montre que le secteur reste attractif... Mais les opérateurs ont longtemps vécu dans l'opulence, avec des marges confortables parce que les prix pratiqués avant l'arrivée de Free étaient élevés. Leur gestion doit aujourd'hui être plus stricte. Cela dit, le secteur doit se restructurer et Bouygues Télécom en est le maillon faible.
Arnaud Montebourg a-t-il raison de plaider pour un retour du secteur à trois opérateurs?
Pourquoi trois? Avancer un chiffre ne me paraît pas pertinent. Ce qu'il faut, c'est un secteur concurrentiel où les opérateurs disposent d'une taille suffisante pour investir. Dès qu'il y a plus de deux opérateurs, il y a potentiellement de la concurrence: des prix tirés vers le bas, une meilleure qualité de service et une incitation à innover. Je dis bien potentiellement car cette concurrence n'est pas automatique. En témoigne l'amende de 534 millions d'euros dont ont définitivement écopé Orange, Bouygues et SFR en 2012 pour entente sur les prix... Un retour à trois opérateurs profiterait avant tout à Bouygues Telecom, qui continuera sans cela à décliner.
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