Ca sent le big bang en matière de cotisations
sociales. La fin d'une époque débutée en 1945 avec l'instauration de la
Sécurité sociale. Les prochaines mesures comprises dans le Pacte de
responsabilité risquent en effet de porter un coup définitif à un vieux
principe français : celui de la proportionnalité des cotisations
sociales (certes, pendant longtemps, sous un plafond, d'où une forme de
dégressivité). Place, à l'avenir, à la progressivité de ces mêmes
cotisations. Ce qui signifie, pour les employeurs comme pour les
salariés, que le montant des cotisations dues dépendra du niveau de
salaire. Une novation quasi inédite.
De quoi s'agit-il ? Le système de cotisations sociales à la sécurité sociale est basé en théorie sur le principe de cotisations proportionnelles, avec un taux global fixé à environ 30% du salaire brut. Concrètement, les cotisations patronales sont les mêmes pour toutes les entreprises et les cotisations salariales sont les mêmes pour tous les salariés, quel que soit le niveau de salaire (sauf pour les salaires très élevés, où elles disparaissaient, mais ce n'est plus le cas). C'est ce qu' l'on appelle la proportionnalité.
Ainsi, depuis le dispositif d'allègement dégressif « Fillon », institué pour toutes les entreprises en 2003, le taux réel des cotisations sociales patronales sécu au niveau du Smic n'est pas de 30% mais d'environ 4,4%. Pour 1,1 Smic, ce taux est d'environ 10,7 %, et de 20,4 % pour 1,3 Smic. C'est simplement à compter de 1,6 Smic que l'on retrouve le taux forfaitaire d'environ 30%. A noter que jusqu'ici les cotisations sociales du salarié, elles, sont restées strictement proportionnelles (environ 9% du salaire, pour les cotisations "Sécu"). Au total, les allègements Fillon sur les cotisations patronales représentent un coût financier annuel pour l'Etat d'environ 22 milliards d'euros versés à la "Sécu" pour compenser le manque à gagner causé par les allègements de cotisations.
Actuellement, avec les allègements Fillon, les entreprises de moins de 20 salariés disposent déjà d'un allègement de cotisations patronales qui atteint 28,1 points et celles d'une taille supérieure, environ 26 points. Le nouvel allègement Valls/Sapin va permettre de porter ces taux d'allègements à environ 30 points (soit la totalité des retenues patronales de sécurité sociale sur un salaire brut au niveau du Smic). Etant entendu qu'il restera encore à la charge des entreprises les cotisations « hors-Sécu », retraites complémentaires et chômage notamment.
Autre annonce, Manuel Valls veut aussi accentuer les allègements Fillon existants de façon dégressive jusqu'à 1,6 Smic. Et ce n'est pas fini, pour favoriser la compétitivité, le pacte de responsabilité prévoit aussi un nouvel allègement de 1,5 point (sur la cotisation famille) pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 Smic.
Mais le pacte de responsabilité - plus exactement son pendant, côté salarié, le pacte de solidarité - prévoit encore une autre mesure totalement novatrice. Le Premier ministre a en effet prévu de baisser dès 2015 les cotisations sociales des salariés les plus modestes. Il a évoqué un gain annuel net pour un salarié rémunéré au Smic d'environ 500 euros par an. Mais même au-delà du Smic il y aura une diminution dégressive des cotisations salariales et ce jusqu'à 1,3 Smic (environ 1.878 euros brut mensuel). C'est la première fois que les cotisations salariales seraient à leur tour concernées par la dégressivité
Comment faire pour que les entreprises et les salariés s'y retrouvent ? Pour connaître exactement le montant des cotisations qui sera exigé ?
Réponse : en mettant en place ce que les spécialistes de cette question appelle la barémisation des cotisations sociales. Une vieille idée, un vieux débat qui a donné lieu à de nombreux rapports.
Le mérite de la barémisation serait de permettre d'afficher clairement la réalité des prélèvements opérés au titre des cotisations de sécurité sociale. Très concrètement, il s'agirait de mettre en place un barème par tranches salariales, en "marches d'escalier" (par exemple tous les 50 euros) qui afficherait directement les taux de cotisations patronales et salariales pour chaque tranche de salaire.
Mais la barémisation signifie aussi que deux salariés d'une même entreprise, avec des salaires divergeant de quelques dizaines d'euros, risquent de ne plus être soumis aux mêmes cotisations sociales. Un salaire supérieur « payera plus ». Or, les prestations en contrepartie seront, elles, similaires car il ne s'agit pas non plus d'un système assurantiel.
L'autre risque réside dans les trappes à bas salaires ou les effets de seuil. Un employeur peut renâcler à augmenter un salarié pour ne pas devoir s'acquitter de davantage de cotisations patronales. Au ministère des Finances, on dit vouloir limiter ce risque en « lissant » à l'extrême le futur barème.
Il reste en effet à connaître la progressivité des taux de cotisations. C'est là que, actuellement, les calculettes fonctionnent. Le nouveau barème des cotisations devrait tenir compte des actuels 22 milliards d'euros d'allègements Fillon - qui seraient donc supprimés en tant que tels mais serviraient en réalité à établir un barème "à la baisse" des cotisations - et des 10 milliards supplémentaires annoncés par François Hollande dans le cadre du pacte de responsabilité. Au final, il y aurait une baisse générale des cotisations patronales de sécurité sociale. A laquelle s'ajoutera aussi une « barémisation » des cotisations dues par les salariés entre 1 et 1,3 Smic.
Le premier concerne les actuelles compensations que l'Etat verse à la Sécurité sociale pour combler le « manque à gagner » provoqué par les allègements de cotisations. Logiquement, s'il y a un barème des cotisations de sécurité sociale préfixé, cette compensation n'a plus lieu d'être.
C'est ce que suggérait la Cour des Comptes dans un rapport sur cette question en 2008 :
Dans un rapport de 2008, l'Assemblée nationale soulignait un risque de constitutionnalité d'une mesure de barémisation limitée aux seuls salariés du secteur marchand, faisant allusion à des travaux de la Cour des comptes :
Tous les syndicats de la Fonction publique s'étaient arc boutés pour dénoncer le gel de la valeur du point d'indice jusqu'en 2017. La situation risquait de devenir explosive chez les fonctionnaires… C'est alors que Marylise Lebranchu a dégainé une proposition pour les fonctionnaires percevant moins de 1,3 Smic. Celle-ci est encore très floue. Politiquement, ça tombe certes bien. En réalité, cette piste à l'étude est également largement justifiée par le souhait gouvernemental de ne pas risquer une invalidation des mesures du pacte de responsabilité.
En tout état de cause, l'arrivée de la progressivité des cotisations sociales va susciter d'intenses débats… Et relancer les polémiques sur le « vrai » coût du travail en France.
De quoi s'agit-il ? Le système de cotisations sociales à la sécurité sociale est basé en théorie sur le principe de cotisations proportionnelles, avec un taux global fixé à environ 30% du salaire brut. Concrètement, les cotisations patronales sont les mêmes pour toutes les entreprises et les cotisations salariales sont les mêmes pour tous les salariés, quel que soit le niveau de salaire (sauf pour les salaires très élevés, où elles disparaissaient, mais ce n'est plus le cas). C'est ce qu' l'on appelle la proportionnalité.
Depuis les premiers allègements de 1993, la progressivité est entrée dans les faits
En réalité, cette proportionnalité est déjà en partie une fiction. les cotisations sociales patronales ont été rendues pour partie progressives en raison des allègements de cotisations opérés depuis 1993 dans le cadre de la politique d'abaissement du coût du travail.Ainsi, depuis le dispositif d'allègement dégressif « Fillon », institué pour toutes les entreprises en 2003, le taux réel des cotisations sociales patronales sécu au niveau du Smic n'est pas de 30% mais d'environ 4,4%. Pour 1,1 Smic, ce taux est d'environ 10,7 %, et de 20,4 % pour 1,3 Smic. C'est simplement à compter de 1,6 Smic que l'on retrouve le taux forfaitaire d'environ 30%. A noter que jusqu'ici les cotisations sociales du salarié, elles, sont restées strictement proportionnelles (environ 9% du salaire, pour les cotisations "Sécu"). Au total, les allègements Fillon sur les cotisations patronales représentent un coût financier annuel pour l'Etat d'environ 22 milliards d'euros versés à la "Sécu" pour compenser le manque à gagner causé par les allègements de cotisations.
Avec le pacte de responsabilité, la progressivité des cotisations va quasiment devenir la norme
Or, avec le pacte de responsabilité, la proportionnalité des cotisations va encore plus ressembler à une fiction. Le Premier ministre Manuel Valls et le ministre des Finances Michel Sapin ont en effet annoncé une nouvelle série d'allègements pour tenir compte de l'engagement présidentiel de supprimer sur 3 ans l'équivalent de la cotisation famille versée par les entreprises (soit 30 milliards d'euros). Pour ce faire, le Premier ministre a décidé plusieurs mesures. D'abord, la suppression totale des cotisations patronales de sécurité sociale encore existantes au niveau du Smic dès le 1er janvier 2015.Actuellement, avec les allègements Fillon, les entreprises de moins de 20 salariés disposent déjà d'un allègement de cotisations patronales qui atteint 28,1 points et celles d'une taille supérieure, environ 26 points. Le nouvel allègement Valls/Sapin va permettre de porter ces taux d'allègements à environ 30 points (soit la totalité des retenues patronales de sécurité sociale sur un salaire brut au niveau du Smic). Etant entendu qu'il restera encore à la charge des entreprises les cotisations « hors-Sécu », retraites complémentaires et chômage notamment.
Autre annonce, Manuel Valls veut aussi accentuer les allègements Fillon existants de façon dégressive jusqu'à 1,6 Smic. Et ce n'est pas fini, pour favoriser la compétitivité, le pacte de responsabilité prévoit aussi un nouvel allègement de 1,5 point (sur la cotisation famille) pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 Smic.
Mais le pacte de responsabilité - plus exactement son pendant, côté salarié, le pacte de solidarité - prévoit encore une autre mesure totalement novatrice. Le Premier ministre a en effet prévu de baisser dès 2015 les cotisations sociales des salariés les plus modestes. Il a évoqué un gain annuel net pour un salarié rémunéré au Smic d'environ 500 euros par an. Mais même au-delà du Smic il y aura une diminution dégressive des cotisations salariales et ce jusqu'à 1,3 Smic (environ 1.878 euros brut mensuel). C'est la première fois que les cotisations salariales seraient à leur tour concernées par la dégressivité
Le principe de la "barémisation" des cotisations sociales
Donc, si l'on résume, qu'il s'agisse des cotisations patronales ou salariales, il y aura un total de 3 paliers : un premier à 1,3 Smic, un deuxième à 1,6 Smic et un troisième à 3,5 Smic. Sachant aussi, pour complexifier le tout, qu'entre 1 et 1,3 Smic (ce qui n'est plus le cas au-delà), ce sont à la fois les cotisations patronales et les cotisations salariales qui seront dégressives.Comment faire pour que les entreprises et les salariés s'y retrouvent ? Pour connaître exactement le montant des cotisations qui sera exigé ?
Réponse : en mettant en place ce que les spécialistes de cette question appelle la barémisation des cotisations sociales. Une vieille idée, un vieux débat qui a donné lieu à de nombreux rapports.
Le mérite de la barémisation serait de permettre d'afficher clairement la réalité des prélèvements opérés au titre des cotisations de sécurité sociale. Très concrètement, il s'agirait de mettre en place un barème par tranches salariales, en "marches d'escalier" (par exemple tous les 50 euros) qui afficherait directement les taux de cotisations patronales et salariales pour chaque tranche de salaire.
Mais la barémisation signifie aussi que deux salariés d'une même entreprise, avec des salaires divergeant de quelques dizaines d'euros, risquent de ne plus être soumis aux mêmes cotisations sociales. Un salaire supérieur « payera plus ». Or, les prestations en contrepartie seront, elles, similaires car il ne s'agit pas non plus d'un système assurantiel.
L'autre risque réside dans les trappes à bas salaires ou les effets de seuil. Un employeur peut renâcler à augmenter un salarié pour ne pas devoir s'acquitter de davantage de cotisations patronales. Au ministère des Finances, on dit vouloir limiter ce risque en « lissant » à l'extrême le futur barème.
Il reste en effet à connaître la progressivité des taux de cotisations. C'est là que, actuellement, les calculettes fonctionnent. Le nouveau barème des cotisations devrait tenir compte des actuels 22 milliards d'euros d'allègements Fillon - qui seraient donc supprimés en tant que tels mais serviraient en réalité à établir un barème "à la baisse" des cotisations - et des 10 milliards supplémentaires annoncés par François Hollande dans le cadre du pacte de responsabilité. Au final, il y aurait une baisse générale des cotisations patronales de sécurité sociale. A laquelle s'ajoutera aussi une « barémisation » des cotisations dues par les salariés entre 1 et 1,3 Smic.
Des conséquences difficiles à gérer
Reste que ce nouveau dispositif va entrainer deux problèmes majeurs.Le premier concerne les actuelles compensations que l'Etat verse à la Sécurité sociale pour combler le « manque à gagner » provoqué par les allègements de cotisations. Logiquement, s'il y a un barème des cotisations de sécurité sociale préfixé, cette compensation n'a plus lieu d'être.
C'est ce que suggérait la Cour des Comptes dans un rapport sur cette question en 2008 :
« l'adoption du barème apporterait un changement de paradigme majeur en supprimant le principe même de la compensation1. Le principe de compensation posé par la loi du 25 juillet 1994, codifié à l'article L131-7 du code de la sécurité sociale, ne s'appliquerait plus, et toute insuffisance du panier par rapport au montant réel des exonérations ne constituerait plus une dette de l'État vis-à-vis des régimes concernés ».Mais la Cour des comptes admet que les lois de finances pourraient cependant prévoir « un panier d'impôts et de taxes affectés » au financement de la protection sociale qui remplacerait la compensation. C'est ce qui a déjà été fait, les allègements de cotisations ayant été largement compensés par de nouvelles recettes (taxes sur les conventions d'assurance, par exemple) directement affectées à la sécu.
La question des fonctionnaires
Le second problème concerne le risque de rupture d'égalité avec les autres régimes. Est-il juridiquement possible de limiter la barémisation aux seules entreprises et salariés du secteur privé ou faut-il l'étendre aux employeurs publics - et notamment l'Etat, les hôpitaux et les collectivités territoriales, employeurs de 5 millions de fonctionnaires - voire aux particuliers employeurs ?Dans un rapport de 2008, l'Assemblée nationale soulignait un risque de constitutionnalité d'une mesure de barémisation limitée aux seuls salariés du secteur marchand, faisant allusion à des travaux de la Cour des comptes :
« Il existe tout d'abord un risque juridique d'extension. Jusqu'à présent, les exonérations de cotisations ont eu pour finalité d'encourager l'emploi des personnes peu qualifiées et ont été limitées aux seuls salariés du secteur privé. Dès lors que l'on établit un barème, il n'existe plus de lien avec une politique d'emploi. La Cour consacre un long développement à ce problème et se réfère en particulier à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il n'est pas du tout évident de démontrer que l'on peut, au sein d'un même régime, instituer un barème pour le secteur privé et conserver les cotisations dans leur forme actuelle pour les employeurs publics, les employeurs particuliers, etc ».C'est d'ailleurs pour éviter ce risque constitutionnel de rupture d'égalité que la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, réfléchit actuellement à une mesure d'allègement de cotisation pour les fonctionnaires les moins rémunérés. Même si ce possible « geste » n'est pas officiellement présenté pour cette raison.
Tous les syndicats de la Fonction publique s'étaient arc boutés pour dénoncer le gel de la valeur du point d'indice jusqu'en 2017. La situation risquait de devenir explosive chez les fonctionnaires… C'est alors que Marylise Lebranchu a dégainé une proposition pour les fonctionnaires percevant moins de 1,3 Smic. Celle-ci est encore très floue. Politiquement, ça tombe certes bien. En réalité, cette piste à l'étude est également largement justifiée par le souhait gouvernemental de ne pas risquer une invalidation des mesures du pacte de responsabilité.
En tout état de cause, l'arrivée de la progressivité des cotisations sociales va susciter d'intenses débats… Et relancer les polémiques sur le « vrai » coût du travail en France.
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