elon l’UFC-Que-Choisir, cette fraude coûte 142 millions d’euros par an. « L’optimisation des factures » est surtout le fait des opticiens indépendants.
L’enquête
montre que les opticiens indépendants sont plus enclins à la fraude que
les grandes enseignes, estime UFC-Que Choisir - AFP PHOTO PHILIPPE
HUGUEN
L’UFC-Que Choisir met des chiffres sur des pratiques bien connues des porteurs de lunettes. D’après une enquête
qu’elle a fait réaliser par des « enquêteurs mystère » chez 1.200
opticiens, soit 10 % des points de ventes, elle met en évidence
l’étendue de la fraude à la complémentaire santé. Il était demandé aux
bénévoles envoyés par l’association de défense des consommateurs de
sélectionner une monture dont le prix dépassait le remboursement de leur
mutuelle et d’avertir le vendeur que le reste-à-charge était trop élevé
pour eux. Si 28 % des opticiens leur ont alors conseillé de choisir des
montures moins chères, dans 18 % des magasins, on leur a « spontanément »
proposé de falsifier la facture adressée à la complémentaire santé pour
majorer le remboursement. Avec une astuce classique : gonfler le prix
facturé sur les verres et baisser celui de la monture. C’est du côté des
magasins indépendants que ces arrangements sont les plus courants (avec
un taux de fraude de 29,5 %, contre 11,8 % dans les grandes enseignes
nationales).
Un surcoût de 142 millions d’euros par an
D’après
les estimations de l’UFC-Que Choisir, cette fraude entraînerait un
surcoût de 142 millions d’euros par an pour les consommateurs. «
Autrement dit, à niveau de cotisation inchangé, la disparition de la
fraude permettrait d’augmenter en moyenne de 14 euros la prise en charge
d’une paire de lunettes par les complémentaires», calcule l’association. Elle est « préjudiciable à la collectivité », puisqu’elle se traduit in fine par la hausse du prix des contrats.
« Cette fraude est révélatrice des liaisons dangereuses entre complémentaires et opticiens »,
explique par ailleurs Mathieu Escot, responsable adjoint des études à
l’UFC. Alors que les complémentaires santé remboursent la majeure partie
des frais d’optique (71,5 % en 2012), elles ont « contribué à déséquilibrer le marché de l’optique » en proposant des garanties haut de gamme et en « solvabilisant la demande parfois au-delà du raisonnable ». Avec un prix moyen de 470 euros, la France est le pays où l’on paie ses lunettes le plus cher en Europe.
Les réseaux de soins plébiscités
Le coup de semonce de l’UFC-Que Choisir tombe au moment où le gouvernement doit annoncer un plafonnement des remboursements des frais d’optique par les complémentaires santé. Une solution à « l’efficacité douteuse »
pour Alain Bazot, son président, qui plaide pour les réseaux de soins,
c’est-à-dire des accords entre les complémentaires santé et les
opticiens sur les prix et les prestations. Pour ses promoteurs, ces
réseaux font faire 30 % d’économies en moyenne aux assurés .
« Cette étude confirme ce que nous disons depuis très longtemps sur
les pratiques d’ « ajustement » et de fraude aux complémentaires. Et
nous avons toujours expliqué que les réseaux de soins étaient l’outil
principal pour lutter contre la hausse des prix », réagit Etienne Caniard, le président de la Mutualité française.
Comité de déontologie
Du côté des opticiens, on réfute la réalité de la « flambée des prix ».
Tout en s’inscrivant dans les parcours de soins qui se multiplient. Les
cas de fraudes, eux, ne sont pas contestés. Ils sont regrettés. « Inacceptable », explique Jean-Pierre Champion, le directeur général de Krys Group dans un communiqué. « Inadmissible »,
tonne en écho Didier Papaz, le PDG d’Optic 2000 qui se voit attribuer
par l’UFC-Que Choisir un taux de fraude de 15,4 %, soit le plus fort des
chaînes nationales, derrière GrandOptical.
Les deux enseignes leader se sont dotées d’un comité de déontologie et menacent leurs adhérents de sanctions. «
Nous faisons certifier nos magasins par l’AFNOR. Nous en sommes à 880.
C’est une vraie garantie. Et en juin, nous allons adopter un système de
sanctions dans nos statuts coopératifs », explique Didier Papaz. Jean-Pierre Champion demande, lui, à l’association de consommateurs de fournir à Krys « les dossiers des opticiens pris en défaut».
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