mardi 24 juin 2014

Alstom: une "victoire", "une trahison", l'alliance avec General Electric vue par la presse étrangère

Alors qu'outre-atlantique comme outre-manche les journaux saluent la victoire de General Electric, le ton est plus désabusé de l'autre côté du Rhin.
Les journaux français ne sont pas les seuls à avoir rempli leurs colonnes de l'affaire Alstom ces derniers jours. La saga des offres croisées sur le fleuron de l'industrie française a aussi été amplement traitée par la presse étrangère. L'américain General Electric et l'allemand Siemens étant en lice, les titres anglosaxons et la presse d'outre-rhin se sont particulièrement épanchés sur le dossier.
Sans surprise, un accueil particulièrement élogieux est réservé au résultat de la compétition aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

  • Une alliance adaptée aux défis de la globalisation, souligne The Economist

"La bataille pour Alstom, (qui) est perçue par certains comme un point essentiel pour l'industrie française", concerne "bien plus que le prix", analyse The Economist: l'enjeux est plutôt de savoir "comment des sociétés telles qu'Alstom peuvent au mieux assumer les défis de la globalisation".
 
A cette fin, "la solution d'Airbus (d'un partenariat franco-allemand) pourrait être moins appropriée aujourd'hui, dès lors que les sociétés européennes cherchent des partenaires plus éloignés, en partie afin de mieux accéder à leurs marchés", considère le journal américain. C'est bien pour cette raison d'ailleurs que "le Conseil d'administration d'Alstom était heureux de vendre à la société américaine en avril", souligne l'article, qui rappelle: celui-ci "n'a été dissuadé que par les véhémentes objections d'Arnaud Montebourg".

"Le succès de l'offre de General Electric pour l'activité dans l'énergie d'Alstom est une revanche personnelle pour Jeffrey Immelt, le PDG souvent critiqué de la société", estime le Financial Times. L'Américain est parvenu à obtenir un accord qui, sans être révolutionnaire, "est généralement regardé par les analystes comme attrayant pour GE", souligne le quotidien britannique. Et ce, bien que ses qualités d'orateur n'aient pas pu s'exprimer en France - l'article rappelle qu'en s'adressant à la commission économie du Parlement en mai, le PDG, après un laconique "Madame, Monsieur, bonsoir, je suis Jeffrey Immelt", avait poursuivi son discours en anglais.
"L'accord est aussi une importante avancée dans sa stratégie de réduction de la dépendance du groupe de GE Capital, son département financier. Un échec aurait soulevé des questions tant sur son efficacité que sur sa vision", souligne le quotidien.
Le ton est en revanche plus sceptique outre-rhin - voire outre-alpes, dès lors que la parole est donnée à un journaliste basé à Berlin.
  • Pour Die Welt, la bataille pour Alstom "n'a pas de gagnant clair"

Bien que le "Mont Blanc" (comme était dénommée la bataille pour Alstom chez Siemens, selon Die Welt) "n'ait pas tout à fait été grimpé", "un premier coup d'oeil montre qu'il n'y a pas de perdants clairs dans le poker du rachat, et que le vainqueur a l'air bien ébouriffé", estime le journal allemand. Sans doute, General Electric renforce sa position sur le marché européen, aux dépens de son principal concurrent, Siemens, ainsi que sa leadership mondiale dans l'activité des turbines à gaz. "Cependant, l'affaire Alstom comprend également quelques pilules empoisonnées pour GE", souligne Die Welt: notamment, le droit de veto attribué à l'Etat français ainsi que la menace d'amende en cas de non respect des engagements pris en matière d'emploi.
D'autre part, non seulement la défaite n'a pas véritablement affecté la réputation de Joe Kaeser, mais l'acquisition d'Alstom aurait risqué de "dépasser les capacités de gestion de Siemens, causant encore plus d'incertitude", analyse Die Welt. Par ailleurs, remarque le journal allemand, en France non plus la nouvelle "alliance" n'est pas unanimement saluée:  "on ne sait pas encore qui aura le dernier mot", insiste Die Welt.
Particulièrement féroce est le commentaire du correspondant de Berlin du quotidien italien. "La France, toujours prête à se vanter de ses idéaux européens, choisit finalement (...) un pacte avec l'Amérique, qu'elle décrit pourtant comme antagoniste depuis les temps de de Gaulle (ou, mieux, depuis l'époque de Vichy, des collaborationnistes Petain et Laval)", écrit-il. Ce qui impliquera, souligne La Repubblica, de "nouvelles dépenses publiques malgré Maastricht, le pacte de stabilité et le pacte budgétaire, dans le cadre d'un choix qui est un mix entre protectionnisme et solde aux US".
"Un choix du faible et peu populaire président français François Hollande" par lequel "la France - 'Grand malade' d'Europe - trahit l'Europe et l'affaiblit", insiste le quotidien italien, y voyant carrément un "nouveau signe de crise entre l'Allemagne d'une Angela Merkel qui désormais s'entend mieux avec Renzi et la France en déclin, devenue dangereuse pour tout le monde depuis l'envol des populistes de Marine Le Pen". Le journal italien admet toutefois l'existence d'une certaine logique: le pays étant à la dérive, "l'Etat-patron, typiquement français depuis les temps de Colbert, cherche le meilleur acheteur", déplore La Repubblica, soulignant toutefois qu'un risque guette: "les Américains, quand ils arrivent, arrivent pour décider".

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