René Souchon : "Il n’y aura pas d’économies avec la fusion"
Le Président de la Région Auvergne revient pour Acteurs de
l'économie sur la fusion avec Rhône-Alpes. Pragmatique sur les aspects
économiques, il s'attend néanmoins à des difficultés dans le chantier de
rapprochement des deux entités régionales. Il espère que la réforme
territoriale ira au bout avec les moyens adéquats.
Acteurs de l'économie: La fusion avec Rhône-Alpes n'était pas votre premier choix. Est-ce un mariage de raison ?
René Souchon : Ce n'est pas un mariage d'amour, c'est un mariage de
raison. J'avais trois hypothèses au départ : Rhône-Alpes-Auvergne, une
grande région Massif Central Auvergne-Limousin-Centre et Auvergne
Limousin seules.
C'est Rhône-Alpes-Auvergne qui a été choisie. Il y a des aspects très
positifs et puis il y a d'importantes difficultés. D'abord c'est 1,3
million d'habitants qui arrivent d'un coup à coté de 6,3 millions de
Rhônalpins. Les élus régionaux issus d'Auvergne seront à peine 20% dans
cette assemblée, donc il faut vraiment que le respect soit dû à
l'Auvergne, à sa richesse et à son potentiel même si elle est petite.
L'autre souci que j'exprime, c'est que certains départements auvergnats
comme le Cantal ne se retrouvent pas du tout dans cette fusion et
choisissent à terme de rejoindre une autre région et que ce qui a été
l'histoire de l'Auvergne éclate. Il ne faut jamais regretter les choses.
Il faut être pragmatique.
Quels sont les avantages que vous voyez à cette fusion ?
Essentiellement sur le plan économique, avec Rhône-Alpes vous avez
une visibilité à l'international pour les entreprises qui s'installent
ou sont susceptibles de s'installer. Il y a déjà des flux économiques
importants entre l'Auvergne et Rhône-Alpes. On devient la 2e région de
France et la 7e européenne. Sur ce point c'est important. Ce sont les
régions qui auront les compétences économiques et sur l'emploi.
Et les principales difficultés ?
Quand il s'agit de régler la question des transports en Auvergne,
avec 50 habitants au km2 et 150 habitants au km2 en Rhône-Alpes, il n'y a
pas les mêmes problématiques. Il y a des disparités entre les
territoires. L'agglomération lyonnaise en population, c'est pratiquement
le nombre d'habitants de l'Auvergne à 50 000 personnes près. Donc en
termes de transports, il va falloir par exemple que sur Clermont-Lyon,
on ne nous impose pas du cabotage à l'entrée de Lyon ou de Saint
Étienne. Ce sont des choses lourdes à gérer. On y arrivera, mais cela
prendra du temps.
Autre exemple, sur la formation, les lycées, les collèges ou les
centres de formations d'apprentis. Comme il y a peu de population en
Auvergne, il y a sur notre territoire de très petits collèges, maintenus
au nom du développement rural et il faudra se battre pour continuer à
les maintenir.
Jean-Jack Queyranne président de Rhône-Alpes a parlé mardi
d'initiatives communes que vous prendrez autour de cette fusion.
Lesquelles ?
On a des initiatives de fond, j'ai proposé que nos directeurs de
cabinet et nos directeurs généraux se rencontrent pour examiner les
dossiers. Et puis il y a des mesures plus symboliques. J'ai invité
Jean-Jack Queyranne à l'inauguration du nouveau siège de la région à
Clermont-Ferrand. Ce sera l'occasion de redire que les commissions
permanentes régionales puissent se tenir à Clermont-Ferrand, que tout ne
se passe pas à Lyon. Il y a d'autres choses qu'on traitera de la même
façon. Ce n'est pas une région Rhône-Alpes qui vient là en conquérante,
mais en partenaire pour valoriser les atouts des territoires. L'Auvergne
a par exemple son propre projet "Auvergne 2030", ce sera pris en
compte.
N'est-ce pas un peu le syndrome du Parlement européen d'avoir deux sièges ?
La différence, c'est que le Parlement débat de lois. Nous, on est
dans l'opérationnel, on vote des schémas, mais on est aussi une instance
de proximité. Les routes, les collèges, tout ça doit donner lieu à de
la déconcentration. Vous ne pouvez pas reconstituer un État autour de
Lyon qui va gérer à 500 kms les tuiles qui tombent dans un lycée ou un
collège. Ce sont des choses très concrètes qui justifient des antennes
importantes sur l'ensemble du territoire.
Mais le but de la réforme, c'est de faire des économies. Est-ce que là, il n'y a pas une incohérence ?
Quand le Gouvernement a annoncé des économies, il parlait de
l'ensemble de la réforme. La presse a traduit économies, sur le premier
acte, la fusion des régions. Sur ce premier acte, il ne peut pas y avoir
d'économies. Dans un second temps, dans 5 à 10 ans sans doute. Mais
l'essentiel des économies, ce sera dans la seconde phase. La disparition
des Conseils généraux, la montée en puissance des intercommunalités et
la fin des doublons avec l'État. L'État doit se réformer en même temps.
Les intercommunalités, c'est là où il y a le plus d'économies à faire.
Il y a beaucoup trop de doublons entre communes et communautés de
communes. Mais au niveau de la fusion des régions, non il n'y aura pas
d'économies dans un premier temps.
Vous ne redoutez pas trop de résistances dans le débat à venir, notamment sur la suppression des départements ?
Si on renvoie les décisions lourdes à après 2017, il y a un risque
énorme que cela ne se fasse pas. Il faut engager les choses de façon
irréversible avant 2017. Il faut être clair, les départements seront
maintenus, ce sont les Conseils généraux qui vont disparaitre. Ils
avancent que la proximité, c'est eux, mais sur le volet solidarité, où
ils n'ont pas de marge de manœuvre, les intercommunalités ou les
métropoles peuvent tout aussi bien s'en charger. Pour moi, c'est un faux
problème. Dès lors qu'on donne aux régions la compétence d'aménagement
du territoire, elles seront les partenaires des communes et
intercommunalités.
J'ai été Conseiller général pendant 18 ans. Je sais ce que c'est. De
l'intérieur, la structure doit évoluer en profondeur et je pense que la
suppression des Conseils généraux va dans le sens de la modernité, même
s'il est clair qu'il faut un échelon de proximité, qu'on retrouve avec
les intercommunalités et les métropoles et d'une certaine façon, la
Région.
Les compétences et les moyens des régions ne sont pas encore éclaircis. Quelles sont vos attentes dans ce domaine ?
Il y a deux projets de loi qui seront présentés. L'un sur la fusion
des régions et l'autre sur les compétences et les moyens. Ce deuxième ne
sera examiné qu'à l'automne et donc les nouvelles compétences ne
s'appliqueront qu'en 2015. Sur les moyens, nous ne savons rien. Donc ça
ne sert à rien de fusionner des régions, de distribuer des compétences
sans moyens. À compétences identiques, les régions françaises ont 9 fois
moins de moyens que la moyenne des régions en Europe. Donc il y a un
vrai problème de compétences.
Il faut donc des marges de manœuvres sur la fiscalité ?
Aujourd'hui, les régions ne prélèvent pas d'impôts directs. Mais si
la droite dit que les régions ponctionnent les contribuables, on ne
prélève pas d'impôts. Il faut une fiscalité régionale ou une part de la
fiscalité nationale conséquente en rapport avec les compétences qui sont
les nôtres. On ne peut pas faire du développement sans moyens, on ne
peut pas réaliser d'infrastructures sans moyens que ce soit les
métropoles ou les zones rurales.
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