mercredi 25 juin 2014

Croissance, emploi, dette : à quoi ressemblera la France en 2025 ?

Le modèle social français, qui est déjà fragilisé, aura touché ses limites. Jean Pisani-Ferry, commissaire Général à la stratégie et à la prospective, a remis ce matin son rapport pour imaginer une autre France.


«Dans dix ans, certes, l'espérance de vie en bonne santé aura encore progressé et les objets techniques auront continué à transformer notre vie. Mais le pays sera plus divisé, les inégalités ont toute chance de s'être accrues, la croissance sera faible ou nulle. Les biens essentiels comme l'énergie et les produits alimentaires seront plus chers. L'emploi sera toujours aussi rare. Le modèle social français, qui est déjà fragilisé, aura touché ses limites. La dette publique aura atteint un niveau insoutenable. Le réchauffement climatique se sera amplifié, malgré les sacrifices consentis par les Européens pour le contenir. Quant à l'Union européenne, elle demeurera largement impuissante à assurer la prospérité du continent»(Enquête BVA pour France stratégie, octobre 2013). Terrible constat…
C'est pour imaginer une autre France que le président de la République a demandé à l'été 2013 à Jean Pisany-Ferry de travailler sur les «chantiers de la décennie». Un travail dantesque, qui a conduit le Commissaire général à la stratégie et à la prospective à organiser des débats nationaux et régionaux, à mener des consultations avec les partenaires sociaux et les parlementaires, à organiser des séminaires de travail et rencontrer des think tank, à lancer des sondages et s'entretenir avec les citoyens… Il a rendu son rapport ce matin à François Hollande.

Constat de départ assez sévère

Les 232 pages qui condensent le travail mené fixe un objectif principal. Refaire de la France «une référence». Et ce, dans tous les domaines. Le rapport fixe des objectifs ambitieux, ceux d'un pays qui «saurait se transformer», après que «à la manière d'une équipe de football formée d'individualités brillantes, mais maladroite dans le jeu collectif, a commencé à perdre du terrain», peut-on lire dans le document. Le constat de départ est sévère: notre pays a reculé économiquement, en comparaison de ceux qui, il y a vingt-cinq ans, avaient un niveau de vie comparable au nôtre. En guise d'anecdote, Pisany-Ferry souligne même que «pour un Français de moins de 30 ans, la nouvelle normalité, c'est la stagnation» de la croissance. Le recours à l'endettement, la mauvaise gestion de la crise financière et le manque de gains de productivité n'y sont pas pour rien…
En guise d'objectifs, donc: être parmi les dix pays de l'OCDE où l'on vit le mieux -la France se classe actuellement au 18e rang sur un total de 36 pays, selon le Better Life Index ; rejoindre le premier tiers des pays européens pour l'emploi, car la France est moins performante que nombre de ses voisins européens ; porter la R & D des entreprises à 2 % du PIB ; ramener la dette publique à 75 % du PIB, en réduisant la charge financière qui pèse sur les générations futures (ce qui implique de limiter la croissance de la dépense publique totale à 0,5 % par an en volume) ; réduire à moins de 49 % la part des dépenses publiques primaires dans le PIB ; rejoindre le groupe des pays européens leaders pour l'innovation…

Promouvoir un progrès collectif

Mais il n'y a pas qu'économiquement qu'il faut «accepter de nous remettre en cause et surtout, réinvestir»: il faut aussi le faire institutionnellement et socialement. C'est donc aussi un projet de société qui est construit par Pisany-Ferry, pour que les Français trouvent «la confiance en notre capacité à nous transformer» et soient convaincus qu'il est possible aujourd'hui «de promouvoir un progrès collectif». Ce projet voudrait voir atteindre 70 % la participation aux élections législatives, 50 % le taux d'engagement bénévole, une baisse du taux de ressenti des discriminations pour être dans le premier tiers des pays européens, une réduction de 30 % des émissions nationales de gaz à effet de serre ou encore une division par trois du nombre de «décrocheurs» ainsi que celui des enfants ne maîtrisant pas le français et l'émergence d'une dizaine d'universités pluridisciplinaires de classe mondiale. Le tout en réconciliant les citoyens avec leur démocratie.
Il faut redevenir «un pays qui attire, un pays où l'on aspire à créer, à travailler». Mais les auteurs restent lucides: «Ne nous leurrons pas: nous n'atteindrons ni les taux de croissance de la Chine, ni l'inventivité scientifique et technique des États-Unis, ni la puissance industrielle de l'Allemagne». Raison pour laquelle il faut «devenir l'un des pays qui sache le mieux mettre la croissance au service du bien-être de ses citoyens ou, pour le dire autrement, l'un des pays qui équilibre le mieux impératifs économiques, exigences environnementales et priorités sociales».
Le cap est ambitieux, les réformes nécessaires. Les transformations devront «être profondes et chacun doit bien mesurer l'ampleur de l'effort à accomplir», conclut le rapport.

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