L'annonce n'a pas fait grand bruit. Pourtant, elle n'est pas des moindres ni pour les institutions, ni pour les entreprises. Jeudi, sur BFM Business,
Thierry Mandon, secrétaire d'Etat chargé de la Simplification, a promis
la création d'une nouvelle autorité indépendante composée de
représentants d'entreprises. La mesure ferait partie des quatorze
envisagées par le nouveau projet de loi sur la simplification de la vie des entreprises présenté mercredi en Conseil des ministres.
Opérationnelle dès le 1er janvier 2015, voire dès le mois d'octobre prochain pour une marche à blanc sur le projet de loi sur la transition énergétique, elle rendrait des avis publics et contraignants pour le gouvernement sur les études d'impact relatives aux projets de loi comme de décret. En surveillant un aspect particulier: la simplification de la vie économique.
Olivier Renaudie, professeur de droit public à l'Université de Lorraine, décrypte la portée d'une telle réforme.
S'agit-il d'une véritable nouveauté?
Pour moi, elle représente une surprise. Non seulement je n'avais jamais entendu parler d'une telle idée, mais elle est aussi très surprenante d'un point de vue institutionnel. Normalement les autorités indépendantes se limitent à contrôler l'application de textes déjà existants: elles jouent ainsi un rôle essentiellement exécutif, dans le respect du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. Les propos de Thierry Mandon laissent au contraire entendre que la nouvelle autorité se prononcerait avant l'adoption non seulement de nouveaux décrets, mais aussi de nouvelles lois: elle exercerait ainsi une sorte de pouvoir législatif, inédit pour une institution de telle sorte.
Pour les entreprises, la solution serait-elle vraiment efficace?
On peut sans doute saluer l'idée d'associer des représentants d'entreprise, dont le regard est plus pragmatique que celui du législateur, à l'identification de l'impact d'un texte juridique. Mais il ne faut pas oublier que parfois les entreprises, par le bais du lobbying qu'elles opèrent auprès des pouvoirs publics, sont elles-mêmes à la source de modifications des textes et donc de nouvelles complexités.
Un autre aspect important n'est par ailleurs encore pas clarifié: qui sera désigné pour représenter les entreprises? En France, il ne pourrait pas s'agir seulement de représentants patronaux: des représentants des salariés des entreprises seront sans doute aussi nommés. On entrevoit dès lors les débats susceptibles de se produire au sein de la nouvelle autorité, puisque ce qui peut être une complexité pour les uns s'avère une garantie pour les autres.
Cette nouvelle étape ne risque-t-elle pas de compliquer le travail institutionnel, au lieu de le simplifier?
Il est en effet étonnant de la part d'un secrétaire d'Etat chargé de la Simplification d'alourdir davantage le processus d'adoption des lois, déjà long et échelonné en plusieurs étapes. Quant aux décrets, j'ai du mal à croire que la nouvelle autorité se prononcera sur leur ensemble: le Journal officiel en publie plus d'une trentaine par jour! Un périmètre plus restreint devra sans doute être défini.
Il aurait probablement été préférable d'améliorer l'existant. Une loi organique de 2009 a systématisé les études d'impact des projets de loi. Malheureusement, le Parlement n'a toutefois pas été doté des moyens matériels et humains nécessaires pour les réaliser. Dès lors, elles sont souvent rédigées par les ministères, à l'origine des projets de loi. Leurs contenus sont donc rarement critiques et, comme le souligne Thierry Mandon, leur qualité est très variable. Il aurait donc mieux valu renforcer les moyens dont dispose le Parlement, lui permettre d'effectuer de réelles contre-expertises, notamment en matière de simplification.
Autre approche dont on devrait s'inspirer, choisie par d'autres pays mais encore lointaine de la culture juridique française: renforcer l'évaluation en aval des lois. En France, une fois la loi souveraine adoptée, le Parlement ne s'intéresse plus à ses effets. Alors qu'au Canada, on va jusqu'à adopter des "lois expérimentales" ("sunset laws"), soumises à une "clause de revoyure" un ou deux ans plus tard, en fonction de la production, ou non, des effets escomptés.
Démocratiquement, une telle autorité serait-elle légitime?
Renforcer le travail du Parlement aurait aussi été préférable du point de vue de la séparation des pouvoirs. D'autant plus que, comme pour la plupart des autorités indépendantes, les membres de la nouvelle seront aussi probablement nommés par l'exécutif.
Thierry Mandon a évoqué un avis "souverain" vis-à-vis du gouvernement. Et pour cause: je ne vois pas comment les décisions de la nouvelle autorité pourraient s'imposer au Parlement, à moins de modifier la Constitution. Le législateur a le droit, s'il le considère opportun d'un point de vue politique, de complexifier le système! Je serai d'ailleurs curieux de savoir comment les parlementaires ont pris une telle annonce, puisqu'elle revient implicitement à mettre en cause la qualité de leur travail, voire à les en déposséder.
Opérationnelle dès le 1er janvier 2015, voire dès le mois d'octobre prochain pour une marche à blanc sur le projet de loi sur la transition énergétique, elle rendrait des avis publics et contraignants pour le gouvernement sur les études d'impact relatives aux projets de loi comme de décret. En surveillant un aspect particulier: la simplification de la vie économique.
Olivier Renaudie, professeur de droit public à l'Université de Lorraine, décrypte la portée d'une telle réforme.
S'agit-il d'une véritable nouveauté?
Pour moi, elle représente une surprise. Non seulement je n'avais jamais entendu parler d'une telle idée, mais elle est aussi très surprenante d'un point de vue institutionnel. Normalement les autorités indépendantes se limitent à contrôler l'application de textes déjà existants: elles jouent ainsi un rôle essentiellement exécutif, dans le respect du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. Les propos de Thierry Mandon laissent au contraire entendre que la nouvelle autorité se prononcerait avant l'adoption non seulement de nouveaux décrets, mais aussi de nouvelles lois: elle exercerait ainsi une sorte de pouvoir législatif, inédit pour une institution de telle sorte.
Pour les entreprises, la solution serait-elle vraiment efficace?
On peut sans doute saluer l'idée d'associer des représentants d'entreprise, dont le regard est plus pragmatique que celui du législateur, à l'identification de l'impact d'un texte juridique. Mais il ne faut pas oublier que parfois les entreprises, par le bais du lobbying qu'elles opèrent auprès des pouvoirs publics, sont elles-mêmes à la source de modifications des textes et donc de nouvelles complexités.
Un autre aspect important n'est par ailleurs encore pas clarifié: qui sera désigné pour représenter les entreprises? En France, il ne pourrait pas s'agir seulement de représentants patronaux: des représentants des salariés des entreprises seront sans doute aussi nommés. On entrevoit dès lors les débats susceptibles de se produire au sein de la nouvelle autorité, puisque ce qui peut être une complexité pour les uns s'avère une garantie pour les autres.
Cette nouvelle étape ne risque-t-elle pas de compliquer le travail institutionnel, au lieu de le simplifier?
Il est en effet étonnant de la part d'un secrétaire d'Etat chargé de la Simplification d'alourdir davantage le processus d'adoption des lois, déjà long et échelonné en plusieurs étapes. Quant aux décrets, j'ai du mal à croire que la nouvelle autorité se prononcera sur leur ensemble: le Journal officiel en publie plus d'une trentaine par jour! Un périmètre plus restreint devra sans doute être défini.
Il aurait probablement été préférable d'améliorer l'existant. Une loi organique de 2009 a systématisé les études d'impact des projets de loi. Malheureusement, le Parlement n'a toutefois pas été doté des moyens matériels et humains nécessaires pour les réaliser. Dès lors, elles sont souvent rédigées par les ministères, à l'origine des projets de loi. Leurs contenus sont donc rarement critiques et, comme le souligne Thierry Mandon, leur qualité est très variable. Il aurait donc mieux valu renforcer les moyens dont dispose le Parlement, lui permettre d'effectuer de réelles contre-expertises, notamment en matière de simplification.
Autre approche dont on devrait s'inspirer, choisie par d'autres pays mais encore lointaine de la culture juridique française: renforcer l'évaluation en aval des lois. En France, une fois la loi souveraine adoptée, le Parlement ne s'intéresse plus à ses effets. Alors qu'au Canada, on va jusqu'à adopter des "lois expérimentales" ("sunset laws"), soumises à une "clause de revoyure" un ou deux ans plus tard, en fonction de la production, ou non, des effets escomptés.
Démocratiquement, une telle autorité serait-elle légitime?
Renforcer le travail du Parlement aurait aussi été préférable du point de vue de la séparation des pouvoirs. D'autant plus que, comme pour la plupart des autorités indépendantes, les membres de la nouvelle seront aussi probablement nommés par l'exécutif.
Thierry Mandon a évoqué un avis "souverain" vis-à-vis du gouvernement. Et pour cause: je ne vois pas comment les décisions de la nouvelle autorité pourraient s'imposer au Parlement, à moins de modifier la Constitution. Le législateur a le droit, s'il le considère opportun d'un point de vue politique, de complexifier le système! Je serai d'ailleurs curieux de savoir comment les parlementaires ont pris une telle annonce, puisqu'elle revient implicitement à mettre en cause la qualité de leur travail, voire à les en déposséder.
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