jeudi 26 juin 2014

La France condamnée pour non-reconnaissance des enfants nés à l’étranger de mère porteuse

La Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France pour son refus de reconnaître la filiation des enfants nés de mère porteuse à l’étranger.

La France a été condamnée ce jeudi 26 juin par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour son refus de reconnaître la filiation des enfants nés de mère porteuse à l’étranger. Pour les juges européens, ce refus des autorités françaises de transcrire des actes de filiation réalisés aux Etats-Unis à la suite de naissances par mère porteuse « port[e] atteinte à l’identité des enfants ». La Cour a en outre estimé qu’« interdire totalement l’établissement d’un lien de filiation entre un père et ses enfants biologiques » est « contraire » à la Convention européenne des droits de l’homme. Deux couples français sont concernés ; dans les deux cas, les embryons avaient été conçus avec des spermatozoïdes du mari et les ovocytes d’une donneuse.


Pour autant, les juges se sont bien gardés de contester l’interdiction en France de la gestation pour autrui, en vertu de « l’ample marge d’appréciation » que doivent se voir accorder les Etats dans un domaine qui pose « de délicates interrogations éthiques » et de l’absence de consensus sur le sujet en Europe. La question posée aux juges européens n’est pas celle de la légalisation de la GPA en tant que telle, mais bien de la reconnaissance en France des GPA pratiquées dans un cadre légal à l’étranger, résumait l’avocat de l’un des couples requérants, déplorant que la justice française conteste l’inscription à l’état civil des enfants.
A noter
Le recours à une mère porteuse est interdit en France depuis la loi de bioéthique du 29 juillet 1994, et le recours à une mère porteuse est punissable de six mois d’emprisonnement et de 7.500 € d’amende pour l’intermédiaire qui permet qu’elle se réalise. Mais une brèche s’est ouverte en janvier 2013, depuis qu’une circulaire de la Garde des Sceaux demande aux juridictions françaises de délivrer « des certificats de nationalité française » aux enfants nés à l’étranger d’un père français et d’une mère porteuse.
En Europe, les positions divergent : la GPA est autorisée pour les couples hétérosexuels en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas notamment.

Fin de non-recevoir en France

Condamnée par la CEDH, la France peut éventuellement demander un nouvel examen de l’affaire par la Grande Chambre de la Cour européenne. Mais elle devra de toute façon se conformer à l’arrêt final de la CEDH, en adaptant si nécessaire sa législation. « Cela pourrait contraindre la Cour de cassation à renverser sa jurisprudence, ou pousser le législateur à réagir », fait valoir Me Patrice Spinosi.
La CEDH avait été saisie par les deux couples de parents, qui se battent devant les tribunaux pour faire transcrire dans l’état-civil français les actes de naissance de leurs enfants, nés par GPA aux Etats-Unis.
Ces deux couples s’étaient heurtés, le 6 avril 2011, à une fin de non-recevoir de la Cour de cassation. La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire avait jugé « contraire à l’ordre public [...] la décision étrangère (de reconnaissance de la filiation par GPA, ndlr) qui comporte des dispositions heurtant des principes essentiels du droit français ». A la suite de cet échec, les deux familles ont saisi la justice européenne, arguant d’une situation discriminatoire, d’une atteinte à leur vie privée ainsi qu’à leur droit de fonder une famille.
La Cour a estimé que le refus des autorités françaises ne les avait pas empêché de mener une vie familiale « dans des conditions globalement comparables » à celles d’autres familles en France. Mais selon les magistrats européens, les enfants des deux couples se trouvaient « dans une situation d’incertitude juridique », alors même que dans les deux cas, les autorités françaises allaient jusqu’à refuser d’admettre le lien entre les enfants et leur père biologique.
La CEDH entrouvre la porte à la gestation pour autrui
L’un des couples requérants, les époux Mennesson et Labassée, ne pouvant avoir d’enfant, ont eu recours à une mère porteuse aux Etats-Unis avec implantation d’embryons, issus des gamètes du mari et d’un ovule provenant d’un don réalisé par une Californienne de 45 ans. Dominique et Sylvie Mennesson sont donc devenus, en 2000, parents de deux jumelles de 13 ans.
Bien que leur filiation ait été reconnue par les tribunaux américains, les trois enfants restent citoyens des Etats-Unis au regard de la justice française, et l’Etat français refuse de reconnaître que Sylvie est leur mère. La Cour européenne des droits de l’Homme a accordé à chaque enfant 5.000 euros au titre du dommage moral. Un arrêt susceptible d’appel

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire