lundi 12 mai 2014

Alcool: 49.000 morts par an en France

Même les consommations modérées augmentent le risque de mourir prématurément.
Chiffrer la consommation d'alcool est délicat. À tel point que les chercheurs du service de biostatistique de l'Institut Gustave-Roussy ont dû multiplier par 2,4 la consommation déclarée par chaque individu pour la faire correspondre avec les chiffres des ventes en 2009. Grâce à cet ajustement et de savants calculs, l'épidémiologiste Catherine Hill et ses collègues ont pu estimer que 49.000 des 535.000 décès enregistrés cette année-là étaient attribuables à l'alcool: «36.500 chez les hommes et 12.500 chez les femmes, ce qui représente respectivement 13% et 5% du total des décès», expliquent-ils dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 7 mai. Une «approximation grossière», concèdent les chercheurs, mais qui montre tout de même que l'alcool est responsable d'au moins un décès prématuré sur cinq avant 65 ans. Le risque augmentant avec la quantité ingérée quotidiennement pour atteindre une personne sur trois parmi les gros buveurs (plus de 11 verres standards par jour).


Les statisticiens estiment que 13.000 décès par cancers de l'appareil digestif sont dus à l'alcool, auxquels il faut ajouter environ 2200 cancers du sein (pour les femmes) et plus de 12.000 morts de cause cardio-vasculaire: hypertension, atteinte cardiaque, accident cérébral. Un fait trop souvent oublié lorsque l'on évoque les «bienfaits», pour les artères, d'une faible prise quotidienne d'alcool. En réalité, on dénombre tout de même, en lien avec la consommation d'alcool, autour de 1200 décès annuels par accident vasculaire cérébral ischémique, c'est-à-dire suite à l'obstruction d'une artère du cerveau par un caillot, mais surtout 4500 décès par accidents vasculaires hémorragiques. Considérant les morts prématurés, «même à la dose relativement modérée de 13 g par jour», notent les auteurs, «le risque global est augmenté».
Car l'un des principaux effets toxiques directs de l'alcool concerne le foie, avec le risque bien connu d'insuffisance hépatique et de cirrhose, mais aussi des risques de saignements car le foie joue un rôle majeur dans la fabrication des facteurs de coagulation. Des varices peuvent également se former au niveau de l'œsophage et saigner dans l'estomac, lui-même fragilisé par l'alcool. Près de 8000 décès seraient dus à des maladies de l'appareil digestif.
En dehors du risque de saignement du tube digestif, l'autre cible préférentielle de l'alcool est le système nerveux (neurotoxicité), responsable d'environ 3500 morts en 2009. Les parois des neurones et les systèmes de neurotransmissions sont en effet lésés, parfois de façon irréversible. Soit brutalement, lors d'une prise massive, soit insidieusement, en cas de consommation habituelle. Les risques d'accidents, de chutes, de suicides et d'homicides sont augmentés par l'alcool et responsables de plus de 8000 morts chaque année.
La mortalité n'est évidemment pas le seul impact à prendre en compte. Un autre travail, réalisé par l'équipe Inserm 953 de l'université Paris-VI sous la houlette de Marie-Josèphe Saurel-Cubizolles invite à développer l'information des femmes sur les dangers associés aux fortes consommations d'alcool pendant la grossesse. Et pour cause! «La consommation de boissons alcoolisées est déclarée par 23 % des femmes», selon les auteurs. Pire encore, 2 % des femmes enceintes rapportent avoir bu au moins trois verres en une seule occasion. Or, les risques pour le fœtus sont connus, en particulier le retard de croissance intra-utérin et les déficiences intellectuelles.
Les épidémiologistes sont bien conscients des limites de ce type d'étude. Par exemple le fait qu'à consommation moyenne identique, des petites prises quotidiennes ou des ivresses massives répétées n'auront pas forcément le même effet sur la santé. Ou encore qu'il existe un décalage temporel entre les consommations d'alcool et les effets à long terme. «Pour évaluer le risque de cancer en 2009, la consommation d'alcool quinze à vingt ans auparavant serait plus pertinente», remarquent-ils.
Chercheurs à l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé, Laure Com-Ruelle et Nicolas Célant ont défini des profils d'alcoolisation chez les adultes. Ils observent que les risques d'alcoolisation excessive «concernent toujours, globalement, bien plus souvent les hommes que les femmes» et que «parmi eux, les usages à risque ont crû chez les jeunes et baissé chez les plus âgés». Ils notent aussi qu'«entre 2002 et 2010, la prévalence déclarée des consommations excessives d'alcool dans l'année a peu varié globalement, mais on observe un accroissement marqué des usages à risque ponctuel chez les femmes jeunes» .

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