lundi 12 mai 2014

Goldman Sachs rattrapée par les affaires

La banque est soupçonnée de corruption par les autorités américaines. Ses activités de trading à haute fréquence sont elles aussi dans leur collimateur, laissant planer un doute quant à des ententes entre établissements financiers sur les prix des actions.

C'est la douche froide pour Goldman Sachs. La banque américaine avait pourtant réussi à passer entre les gouttes ces derniers mois, alors que ses concurrentes JPMorgan, Bank of America ou Citigroup étaient impliquées dans des affaires de corruption ou de manipulation des taux de change. Goldman Sachs doit aujourd'hui elle aussi faire face à plusieurs accusations de ce type.
La banque révèle dans des documents boursiers être l'objet d'une enquête sur ses pratiques de recrutement. Dans ces documents, elle précise que les investigations des autorités américaines portent sur «son respect de la loi américaine relative aux activités internationales des entreprises américaines et plus particulièrement sur la conformité des pratiques de recrutement de la firme». Elle ne donne pas d'autre précision sur les pays dans lesquels elle est mise en cause.

Soupçons de corruption en Chine

Mais il est fort à parier que cette enquête concerne les activités de Goldman Sachs en Chine. Les autorités américaines ont en effet débuté l'été dernier des investigations sur les politiques d'embauche de parents et proches de personnalités chinoises par certaines banques américaines. Les enquêteurs cherchent à déterminer si ces «fils et filles de» ont pu aider les banques à obtenir des contrats en Asie.
Un haut dirigeant de JPMorgan en Chine a quitté son poste au mois de mars, lorsque son nom a été mentionné dans le cadre de cette enquête. Le New York Times avait également révélé que la banque avait employé - sous une fausse identité - la fille de Wen Jiabao comme consultante, lorsque son père était encore premier ministre de la Chine. Ces soupçons de corruption égratignent un peu plus la réputation des banques, comme celle des élites chinoises, accusées au début de l'année d'exil fiscal.

Le trading à haute fréquence sous surveillance rapprochée

Les ennuis de Goldman Sachs ne s'arrêtent pas là. Les principaux soupçons des autorités américaines portent sur les activités de courtage à haute fréquence de la banque, réalisées sur sa place de marché interne Sigma X. Celle-ci fait partie des «dark pools» mis en cause lors du krach éclair de Wall Street en mai 2010. Début avril, le Wall Street Journal affirmait que Goldman Sachs s'apprêtait justement à fermer Sigma X, échaudée à la fois par les investigations des autorités américaines sur ces places de marché opaques et par une rentabilité plombée par des dysfonctionnements techniques. Un responsable de la banque avait démenti quelques jours plus tard.
Cela n'a fait que renforcer les doutes des autorités et des Américains sur la transparence de ces marchés parallèles. La ville de Providence, située dans l'État de Rhode Island aux États-Unis, estime ainsi qu'en échangeant d'importants volumes d'actions -par ailleurs cotées sur les marchés classiques- sur un marché parallèle, les banques ont la possibilité de manipuler les prix des produits. Elle a donc lancé une plainte en nom collectif contre Goldman Sachs mais aussi Fidelity et le New York Stock Exchange.

Sigma X plombe les activités de Goldman Sachs sur le marché classique

Pourtant, Goldman Sachs est la première banque à critiquer plus ou moins ouvertement le courtage à haute fréquence. Dans une note interne que s'est procurée Business Insider, Gary Cohn, directeur d'exploitation chez Goldman Sachs, affirmait en avril que les banques «devaient reconnaître que certaines activités liées à des volumes importants d'échanges peuvent mettre les marchés sous pression», ceux-ci n'étant pas armés pour faire face à ces contraintes.
La banque tenterait-elle de se racheter une éthique? Pas seulement. Les activités de son «dark pool» menaceraient en fait ses performances sur les marchés classiques. Au premier trimestre 2014, la banque a échangé 416 millions de dollars sur les marchés traditionnels. Un résultat en chute de 49% par rapport à la même période l'année dernière. En 2013, Goldman Sachs avait déjà accusé un recul de près de 19% de la valeur de ses échanges, alors que celle des échanges de ses rivales grimpait inexorablement.
Repentie peut-être mais pas naïve. La banque a provisionné des fonds dans la perspective d'éventuelles amendes. La réserve de Goldman Sachs a d'ailleurs été revue à la hausse de 100 millions, portant l'ensemble des provisions à 3,7 milliards de dollars. Juste au cas où.

Qu'est-ce qu'un «dark pool»?
Les «dark pools» sont des plateformes alternatives sur lesquelles les banques échangent d'importants volumes d'actions et de produits dérivés. Mais, contrairement aux Bourses classiques, elles permettent aux investisseurs de rester anonymes, en échange de quoi les transactions sont réalisées «à l'aveugle», c'est-à-dire que leur montant -et donc le prix des produits- n'est révélé qu'une fois l'affaire conclue.
Parfaitement légaux en Europe depuis la directive européenne MIF adoptée en 2004 et entrée en vigueur en 2007, les «dark pools» restent toutefois dans le collimateur des régulateurs, qui ont du mal à contrôler l'ensemble des activités de ces marchés alternatifs, laissant craindre des dérives. En effet, les banques opèrent des transactions sur des produits financiers dont elles assurent elles-mêmes la commercialisation.

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